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Un an après ses fausses déclarations, Emmanuel Macron se paye une nouvelle fois la tête des africain·es avec son appel à un New Deal
Article mis en ligne le 19 mai 2021
dernière modification le 18 mai 2021

Presqu’un an jour pour jour après ses fausses déclarations pour « une annulation massive » de la dette africaine [1], le président français, Emmanuel Macron, s’assure un nouveau coup de comm’ en plaidant pour un New Deal sur le continent. L’opération vise avant tout à faire la promotion du sommet des 17 et 18 mai prochain à Paris et tenter de (re)faire de la France un acteur incontournable en Afrique. Ces dernières semaines, l’État français s’est pourtant davantage signalé par sa volonté de faire perdurer la Françafrique que par celle d’une refonte complète de sa politique de coopération.

En marge d’un déjeuner à l’Élysée (Paris, France) avec le président de la République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, Emmanuel Macron s’est adressé à la presse concernant l’impact économique désastreux de la pandémie en Afrique. Faisant état du « ralentissement très fort » des économies africaines, le président français a déclaré : « Nous sommes en train collectivement d’abandonner l’Afrique à des solutions qui datent des années 60. Nous devons absolument inventer pour le 17-18 mai prochain, un New Deal du financement de l’Afrique, c’est-à-dire des solutions profondément novatrices, une échelle d’ambition qui corresponde à ce que nous sommes en train de vivre. Sans quoi, nous laisserons le continent africain face à la pauvreté, nous laisserons le continent africain et sa jeunesse face à la réduction de leurs opportunités économiques, à une migration subie et à une expansion du terrorisme » [2].

"69 millions d’Africain·es supplémentaires – principalement des femmes – seront poussé·es dans l’extrême pauvreté d’ici la fin 2021"

Avec une contraction du PIB de 2,1 % en 2020, une chute drastique des flux financiers extérieurs (investissements directs étrangers, aide publique au développement, envois de fonds de la diaspora), la dépréciation d’une majorité de devise, une hausse vertigineuse de l’endettement extérieur, une insécurité alimentaire croissante symbole de la vulnérabilité du continent aux facteurs exogènes, et 69 millions d’Africain·es supplémentaires – principalement des femmes – poussé·es dans l’extrême pauvreté [3] d’ici la fin 2021 [4], la situation à laquelle doivent faire face les africain-es est effectivement critique. (...)

Avant de plaider pour un « New Deal du financement de l’Afrique », Macron devrait d’abord balayer devant sa porte. Hier comme aujourd’hui, l’État français a une responsabilité majeure dans les trajectoires de développement des pays africains.

En qualité d’ « ancienne » puissance coloniale, l’hexagone a laissé une empreinte quasi-indélébile, tant géographiquement (découpage arbitraire de l’Afrique lors de la conférence de Berlin de 1884), que politiquement (destruction des syndicats et ingérence permanente dans les élections), militairement (accords de défense [5], opération Turquoise au Rwanda, etc.), culturellement (imposition du catholicisme et de la francophonie), qu’économiquement (Franc CFA, accords économiques et commerciaux exclusifs ou préférentiels). (...)

Quoi qu’en dise Macron, cet impérialisme multiforme perdure encore et toujours sous son mandat. Soft-power ou néocolonialisme, l’État français continue de défendre sous sa présidence ses propres intérêts. Économiques d’abord, en appuyant les projets écocidaires gaziers et pétroliers de Total au Mozambique et en Ouganda, des concessions portuaires de Bolloré ou encore via le vrai-faux remplacement du Franc CFA. Stratégiques ensuite par son soutien armé à nombre de dictatures [6], ou à son appui aussi continue qu’inefficace à l’opération Barkhane au Sahel [7]. Politiques encore, en accueillant à bras ouvert des chefs d’État fort peu fréquentables, parmi lesquels l’égyptien Al-Sissi en décembre 2020, l’ivoirien Alassane Ouattara en mars ou encore le togolais Faure Gnassingbé en avril 2021. Historiques enfin, en se refusant à délivrer les dossiers classés « secret défense » afin de lever le voile sur les implications françaises dans le génocide des tutsis au Rwanda en 1994 [8] et dans l’affaire de l’assassinat du président burkinabè, Thomas Sankara, en octobre 1987 [9]. « Cerise sur le gâteau », il a été le seul chef d’État européen à se rendre aux funérailles du président tchadien, Idriss Déby, sans jamais critiquer le bilan d’un dictateur en place depuis 1990. Préférant saluer la « perte d’un ami courageux », il a officiellement reconnu le Conseil militaire de transition de son fils Mahamat Déby, en violation totale des dispositions prévues dans la constitution tchadienne.