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Non-Fiction
Un autre son de cloche pour le christianisme
Article mis en ligne le 1er décembre 2017
dernière modification le 29 novembre 2017

Parmi les nombreux ouvrages qui parsèment les étals des librairies en cette rentrée 2017, Plaidoyer pour un nouvel engagement chrétien, co-écrit par Pierre-Louis Choquet, Jean-Victor Élie et Anne Guillard n’est pas l’essai le moins intéressant. Ces trois jeunes auteurs sont des « catholiques d’ouverture » qui s’inquiètent de la montée en puissance d’un « catholicisme d’identité » , correspondant à une position politique libérale-conservatrice, et qui proposent une réponse politique et théologique à ce phénomène social.

Loin du souci de faire polémique, l’opuscule est traversé par un véritable souffle d’espérance, comme en témoigne son exergue, extrait du poème « Demain » de Robert Desnos. La structure de l’essai est absolument limpide : dans la première partie, les auteurs font le constat du retour des « catholiques d’identité » en politique ; dans la deuxième partie, ils formulent « une autre manière d’envisager l’expérience spirituelle que peut proposer le christianisme aujourd’hui » ; enfin, dans la dernière partie, ils s’emploient à repérer des lieux d’engagement possibles pour les chrétiens dans la société contemporaine, où s’entremêlent toujours l’écologique et le social. (...)

Par leurs analyses très fines démontrant la qualité de leurs lectures, les auteurs proposent la voie d’un « christianisme de l’inachèvement » qui invente un nouveau mode d’être chrétien dans l’« âge séculier » ). Ce mode de christianisme implique d’abord de transformer profondément l’image d’un Dieu tout-puissant et de lui substituer celle d’un Dieu qui, dans le Premier Testament, se révèle dans le « murmure d’une brise légère » et qui, dans le Second Testament, meurt sur une croix. Cette image d’un Dieu humble n’est pas du tout nouvelle : elle est même antérieure à celle du Dieu tout-puissant et n’a été mise de côté qu’à partir du moment où le christianisme devint religion d’État ; la substitution d’une image de Dieu à une autre marque le passage du « temps apostolique » à « l’ère ecclésiale » . Le christianisme devient ainsi la religion des puissants, mais le christianisme des pauvres renaît de façon dispersée, notamment dans les monastères bénédictins ou dans les communautés franciscaines, ainsi que chez certains mystiques. L’avènement de la modernité, qui est un « désenchantement du monde » , met à mal la figure du Dieu tout-puissant et l’expérience du mal absolu, notamment au XXe siècle, en vient presque à bout. Pour les chrétiens, la figure d’un Dieu relationnel est donc beaucoup plus évidente aujourd’hui, et devrait conduire à une nouvelle attitude d’engagement : « dans l’expérience, la foi peut [...] devenir un pouvoir d’action qui fonde et nourrit une existence » .

Ecologie et spiritualité
La dernière partie de l’essai montre quelles directions peut prendre l’engagement chrétien aujourd’hui : permettre « le libre développement de chacun sur une Terre habitable par tous » ; il s’agit humblement « d’agir en tant que cette possibilité est déjà réalisée » . Les auteurs partent du constat de la crise écologique et, faisant leurs les mots du pape François, posent « qu’aucune forme de sagesse ne peut être laissée de côté » pour la résoudre. Les auteurs dégagent avec insistance la perspective « œcuménique » de leur engagement : il ne s’agit pas de rabattre les militants écologistes vers les églises, mais d’œuvrer à l’invention d’une société écologique moderne, qui respecte la liberté de conscience de chacun. (...)

Ce Plaidoyer pour un nouvel engagement chrétien est donc une sorte de manifeste en faveur d’un « christianisme d’ouverture » écrits par trois jeunes chrétiens, visiblement fatigués de voir les « catholiques d’identité » monopoliser l’espace public : il confortera dans leurs convictions les chrétiens qui partagent leur point de vue, mais il intéressera aussi tous ceux qui regardent ces débats de l’extérieur, car il se hisse à une hauteur impressionnante par la qualité de ses arguments et par la force qui en émane, laquelle n’est peut-être, au fond, que « la joie de l’espérance » .