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Mediapart
Un comité de l’ONU défend Assa Traoré face à des syndicats policiers
#AssaTraore #ONU #CERD
Article mis en ligne le 3 décembre 2022

La sœur d’Adama Traoré a été la cible de messages virulents de la part de syndicats de policiers après avoir été auditionnée par le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale des Nations unies. Ce dernier demande au gouvernement d’ouvrir des procédures, si nécessaire pénales, contre les auteurs.

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) des Nations unies « exhorte » la France à « prendre des mesures immédiates et efficaces » pour assurer la sécurité d’Assa Traoré et à ouvrir des procédures, éventuellement pénales, contre des policiers qui se seraient livrés à des actes de harcèlement en ligne.

Cet appel a été lancé vendredi 2 décembre à l’occasion de la publication des conclusions du CERD sur l’examen périodique de l’état du racisme et des discriminations en France. Prévue par l’article 8 de la Convention internationale de 1965 sur l’élimination des discriminations, cette procédure impose aux États membres de présenter les mesures prises dans ce domaine devant un comité de 18 expert·es indépendant·es ayant le pouvoir de mener des auditions.

Lors de celles-ci, qui s’étaient tenues à Genève les 15 et 16 novembre derniers, le CERD avait reçu Assa Traoré, la sœur d’Adama Traoré, mort en 2016 après une intervention de gendarmerie. La présence de la militante avait provoqué la colère, notamment, du Syndicat des commissaires de la police nationale (SCPN). (...)

Dans ses conclusions publiées vendredi, le CERD se dit « gravement préoccupé par les renseignements faisant état que Mme Assa Traoré, qui a fourni des informations concernant son frère, a été victime de messages diffamatoires et de menaces en ligne, en particulier dans le compte Twitter des syndicats de la police », écrivent les experts de l’ONU.

En conséquence, le CERD demande au gouvernement français de « prendre des mesures immédiates et efficaces pour garantir la sécurité de Mme Asssa Traoré ». Il l’invite également « à prendre des mesures disciplinaires, diligenter les enquêtes nécessaires et le cas échéant à engager des poursuites pénales contre les agents de l’État qui se sont associés à ces messages d’intimidation et de menaces ». (...)

Les personnes coopérant avec l’ONU doivent être protégées contre les « représailles »

Mais cette nouvelle campagne de dénigrement s’est déroulée dans le cadre particulier des Nations unies. En effet, les personnes acceptant de témoigner devant un organisme onusien bénéficient normalement d’un mécanisme de protection les protégeant contre d’éventuelles représailles dans leur pays d’origine.

Au mois de septembre dernier, le Haut Commissariat aux droits de l’homme de l’ONU avait d’ailleurs publié un rapport s’inquiétant d’une hausse « des représailles commises contre les personnes qui coopèrent avec l’ONU ».

Selon nos informations, l’ONG genevoise International Service for Human Rights (ISHR), alertée des messages ciblant Assa Traoré, a d’ores et déjà saisi le mécanisme de l’ONU sur les représailles et adressé un courrier à l’ambassadeur Jérôme Bonnafont, représentant permanent de la France aux Nations unies à Genève. (...)

Contactés par Mediapart, ni le ministère de l’intérieur ni Assa Traoré ni le SCPN n’ont souhaité réagir.

Le CERD s’inquiète de la « discrimination raciale systémique » (...)

Une bonne partie des observations du CERD portent sur les pratiques discriminatoires des forces de l’ordre françaises. Elles citent « le recours fréquent aux contrôles d’identité, à des interpellations discriminatoires, ainsi qu’à l’application des amendes forfaitaires délictuelles imposées par la police ou les forces de l’ordre, ciblant de manière disproportionnée les membres de certains groupes minoritaires ».

Le comité fait également état d’un certain nombre de cas signalés « d’usage excessif de la force et de mauvais traitements, y compris des violences physiques et verbales infligées par des agents des forces de l’ordre aux membres de certains groupes minoritaires ».

Lors des auditions, qui s’étaient tenues à Genève les 15 et 16 novembre, la secrétaire générale de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), Magali Lafourcade, avait dressé un bilan peu flatteur de la lutte contre les discriminations en France.

Les « violences policières illégitimes » (...)

« Nous observons la montée d’un discours politique xénophobe », a encore déclaré Magali Lafourcade. « Lors de nos missions de terrain aux frontières et notamment à Calais, nous avons documenté les violations des droits des migrants et le harcèlement des défenseurs des droits des migrants », a-t-elle pointé.

« Plusieurs autres experts membres du comité » ont signalé que ce dernier « avait été saisi de nombreuses informations crédibles relatives à des comportements abusifs de la part de représentants des forces de l’ordre, affectant de manières disproportionnée les personnes perçues comme étant issues de l’immigration ou comme appartenant à des groupes ». (...)

La secrétaire générale de la CNCDH a notamment pointé le fait que « les condamnations sont de l’ordre de mille par an, loin de réalité du phénomène infractionnel, estimé à 1,2 million de victimes par an ».

« La CNCDH appelle à un changement profond pour faire reculer les freins au dépôt de plainte et restaurer la confiance des minorités dans les institutions de la police et de la justice », et « appelle à réviser le formulaire de prise de plainte pour mettre au jour le mobile discriminatoire des infractions », a encore déclaré Magali Lafourcade.

« Surtout, en matière de discrimination, aucune condamnation pénale n’a été enregistrée lors de la dernière année de référence, selon les chiffres du ministère de la justice », a-t-elle ajouté, estimant « urgent de prendre des mesures de prévention, de sensibilisation et de politique pénale ».

Une réponse pénale insuffisante (...)