
Un responsable des éditions La Fabrique a été arrêté, puis libéré, par la police britannique, qui invoque sa participation présumée à des manifestations en France. Ses défenseurs dénoncent une inédite « atteinte à la libre circulation des idées ».
À 20 heures, mardi 18 avril, un rassemblement était prévu devant le consulat britannique dans le VIIIe arrondissement de Paris. Au même moment, une mobilisation devait avoir lieu devant l’Institut français, à Londres. Deux manifestations pour faire pression sur les autorités des deux pays après l’arrestation d’un éditeur français dans la capitale britannique. Dans la soirée, ce responsable de La Fabrique, une maison engagée, a été remis en liberté au terme de près de vingt-quatre heures de garde à vue. Sans faire l’objet, pour l’heure, de poursuite.
« Un traitement scandaleux », ont affirmé les éditions La Fabrique (Paris) et Verso Books (Londres) dans un communiqué de presse révélant l’affaire. Dans la journée de mardi, un collectif d’éditeurs et éditrices avait dénoncé dans le Club de Mediapart une arrestation qui « porte atteinte à la libre circulation des idées et aux droits fondamentaux des maisons d’édition et organes de presse ».
Ernest est responsable des droits étrangers aux éditions La Fabrique ainsi que pour l’auteur Alain Damasio (éditions La Volte). Lundi, il se rendait à la London Book Fair, la Foire internationale du livre à Londres, qui a lieu du 18 au 20 avril, et où, selon La Fabrique, il avait prévu une trentaine de rendez-vous avec des éditeurs étrangers et avait un billet pour rentrer à Paris le vendredi 21 avril. (...)
À son arrivée à la gare de St. Pancras, le jeune homme est interpellé par des policiers « sous prétexte de vérifier qu’il n’est pas sur le point de commettre des actes terroristes ou en possession de matériel destiné à une entreprise terroriste », précise le communiqué de presse de ses employeurs.
Son avocate Marie Dosé complète, dans son propre communiqué : « Dans le cadre du Schedule 7 du Terrorism Act, le fait de ne pas transmettre les codes d’accès à son ordinateur et à son téléphone portable est susceptible de caractériser un délit et d’entraîner des poursuites judiciaires. Et il semblerait que ce délit soit reproché à mon client. » Après la libération d’Ernest, les investigations vont se poursuivre, les policiers britanniques ayant conservé l’ordinateur et le téléphone de l’éditeur.
Sous-traitance judiciaire
L’avocate dénonce une « instrumentalisation » britannique qu’elle suspecte être en lien avec les autorités françaises. (...)
« Cela suggère une collaboration inquiétante entre les autorités britanniques et françaises, et constitue de fait une attaque de l’État français contre une maison d’édition dont le catalogue et la politique éditoriale sont notoirement inscrits dans les pensées critiques et en opposition avec les politiques gouvernementales », s’insurge le collectif d’éditeurs et éditrices appelant à la libération d’Ernest dans le Club de Mediapart. (...)
Après l’annonce de la libération de son client, l’avocate résume les questions qui ont été posées à Ernest : « Soutenez-vous le président Macron ? Avez-vous participé aux récentes manifestations en France ? Quels livres vont être publiés prochainement par La Fabrique ? »