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le Monde Diplomatique
Un journalisme de guerres culturelles. Vendre de la discorde plutôt qu’informer
par Serge Halimi & Pierre Rimbert
Article mis en ligne le 23 mars 2021
dernière modification le 22 mars 2021

Le juste milieu ne rapporte plus. Hier assise sur la manne publicitaire, la presse modérée recherchait une audience de masse et la cajolait en simulant l’objectivité. La recette change. Désormais, les médias prospèrent en alimentant les guerres culturelles auprès de publics polarisés et mobilisés. Pour le meilleur ou pour le pire. Et sous le regard vigilant, parfois sectaire, de leur propre lectorat.

Il rachète à tour de bras médias et éditeurs (Vivendi, Editis, Prisma), convoite Europe 1, taille dans les effectifs et les dépenses, encourage un journalisme de racolage destiné à l’extrême droite (CNews), fait régner la terreur dans les rédactions — et menace de poursuivre en justice Le Monde diplomatique, qui enquête sur ses activités en Afrique : s’il fallait personnifier les nuisance (...)

Abondamment commentée dans la presse, la brutalité du milliardaire breton ne fournit pourtant pas le meilleur indicateur du mouvement qui bouscule le paysage journalistique des années 2020. Car la force montante ne se trouve ni dans l’infographie des propriétaires. ni dans le Bottin des annonceurs. Elle se devine dans l’empressement des directions éditoriales à s’excuser quand un article déplaît à leurs lecteurs. Ce nouveau pilier de l’économie de la presse fut longtemps considéré comme la cinquième roue du carrosse médiatique : les abonnés. Leur influence croissante fait résonner au cœur des rédactions les clameurs et les clivages de nos sociétés. Cette irruption ne concerne pour le moment qu’une poignée de titres. Mais elle traduit un mouvement de fond.

Certes, l’appropriation privée rebat toujours les cartes du grand Monopoly de la communication. (...)

En France, le nombre de journalistes s’effrite à un rythme modéré (— 6 % entre 2008 et 2019), mais l’effectif a chuté de près d’un quart aux États-Unis. Cette moyenne masque une disparité : les rédactions américaines ont supprimé 36 000 emplois dans la presse écrite tandis qu’elles créaient 10 000 postes dans les médias non imprimés. (...)