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Un milliard d’habitants dans les bidonvilles ?
Article mis en ligne le 24 octobre 2017
dernière modification le 22 octobre 2017

Près d’un milliard de personnes habitent dans les bidonvilles, soit environ un urbain sur trois dans les pays en développement. Des chiffres gigantesques qui ont alerté la communauté internationale. L’analyse de Julien Damon, sociologue, professeur associé à Sciences Po Paris.

Repères des narcotrafiquants au Brésil, concentrés de ségrégation en Afrique du Sud, peuplés parfois de plusieurs centaines de milliers d’habitants en Inde (Dharavi à proximité de Mumbai) ou en Afrique (Kibera au sud de Nairobi), les bidonvilles incarnent le côté obscur de l’urbanisation. Le phénomène est massif et en extension dans les pays en développement. Il est marginal mais très visible dans certains pays riches, en France, mais aussi dans quelques autres pays d’Europe, avec des campements illégaux et des habitats spontanés. (...)

Derrière des chiffres approximatifs, contradictoires, parfois hautement fantaisistes, les bidonvilles sont devenus, avec le nouveau millénaire, une priorité de l’action publique internationale et de l’aide au développement. La reconnaissance internationale de la question des bidonvilles doit beaucoup aux chiffres et aux dimensions qui ont été annoncés pour attirer l’attention internationale.
Peut-on valablement dénombrer ce qui se déchiffre difficilement ? Des chiffres variés circulent. D’estimations et de projections largement diffusées, il ressort des chiffrages très impressionnants, des perspectives préoccupantes. Les Nations unies ont ainsi annoncé qu’un un milliard de personnes vivaient dans un bidonville vers 2005 et que ce chiffre pourrait s’élever à 1,4 milliard en 2020 puis deux milliards en 2050. Certaines extrapolations vont jusqu’à trois milliards. Ces projections ont été reprises dans le monde entier.
Pour ce type de données, la précision statistique est impossible : chacun sait qu’il s’agit d’ordres de grandeur. Les recensements ne sont pas réguliers, très difficiles à réaliser en pratique sur le terrain, dans des pays qui ont peu de moyens pour cela. Ces ordres de grandeur ont pourtant leur part de validité. Même avec une marge d’erreur importante, on raisonne en centaines de millions d’habitants. (...)

depuis 1990 la population des bidonvilles a augmenté de près de 200 millions de personnes. Les évolutions sont contrastées selon les zones géographiques. Des baisses en volume et en proportion sont importantes en Afrique du Nord. La hausse, en volume, est la plus élevée en Afrique subsaharienne. En Asie, dans l’ensemble, la stabilité des volumes ne doit pas masquer la baisse des proportions. À mesure de l’urbanisation et de l’enrichissement de grands pays comme la Chine, l’Inde ou le Brésil, le nombre d’habitants des bidonvilles a pu se stabiliser ou croître un petit peu seulement. Mais – et ce alors que la dynamique d’urbanisation a été puissante – la proportion des urbains en bidonvilles a baissé.

Des contrastes forts selon les pays (...)

Des chiffres disponibles, il ressort que dans onze pays, plus des trois quarts des urbains sont comptés comme vivant dans des bidonvilles. C’est le cas, en 2014, notamment en République Centre Africaine (93 %) au Soudan (92 %), au Tchad (88 %), au Mozambique et en Mauritanie (80 %), à Madagascar (77 %). Suivent ensuite douze pays, essentiellement en Afrique subsaharienne, mais on y recense aussi Haïti, avec des taux entre deux tiers et trois quarts. (...)

Le nombre d’habitants de bidonvilles continue à progresser dans le monde, même si, en proportion, leur poids dans population totale diminue. Transports, logements, assainissement et traitement des déchets, santé… : nombre de pays en développement doivent faire face à des investissements gigantesques, ne serait-ce que pour suivre le rythme de leur démographie, pour permettre à l’ensemble de la population de vivre dignement.