
Un étrange parfum flotte dans le sillage du bouquet de fleurs qu’on offre ou qu’on reçoit : celui du kérosène. Symbole d’amour et de beauté fugace, la rose coupée cultivée sous les tropiques par une main-d’œuvre bon marché gagne les pays riches par avion-cargo. Son cycle de vie illustre les ambiguïtés d’un culte commercial des produits naturels qui ruine l’environnement.
Qu’est-ce qu’une rose ? Un stratagème végétal pour inciter les insectes à colporter le pollen ? Une fleur parfumée ? Un objet de jouissance visuelle, fragment de nature dans l’artifice urbain ? C’est d’abord un produit que l’on achète pour l’offrir ; un symbole d’amour et de respect que l’industrie publicitaire s’emploie à entretenir lors d’événements comme la Fête des mères ou la Saint-Valentin. Cadeau prêt à consommer et qui n’exige quasi aucun soin de la part du destinataire, la rose, une fois flétrie, finit à la poubelle. C’est bien là qu’il faut la déposer, et non dans le compost, étant donné la charge chimique de ses tissus et de son eau.
Le cycle de vie d’une rose commence huit ans avant qu’une benne à ordures ne l’emporte vers l’incinérateur. Dans une roseraie allemande, néerlandaise ou française, les hybrideurs croisent pollens et pistils de plants différents pour marier leurs caractéristiques de résistance, de forme et de productivité. Cette dernière se mesure en nombre de tiges au mètre carré, indicateur crucial qui, pour une fleur de supermarché cultivée à basse altitude, monte jusqu’à 240. Le choix des formes et des couleurs dépend largement de la mode florale du moment, elle-même indexée sur la mode vestimentaire. Ainsi la filière renouvelle-t-elle régulièrement ses variétés. Comme le goût dans les tomates industrielles. le parfum des roses n’occupe que la dernière place dans la liste des critères de qualité. « Dans la sélection, l’émotion est au deuxième plan », reconnaît M. Matthias Meilland, important hybrideur français. Ce processus aboutit au dépôt d’un brevet, puis à la mise sur le marché de la nouvelle variété. (...)
: sur la plante modèle, on coupe un fragment qui se reconstitue sans reproduction sexuée, puis on répète ce bouturage de manière à obtenir des milliers de clones. (...)