
L’essor soudain de la colocation en France ne peut se laisser appréhender par la seule contrainte économique. Cette pratique, qui donne lieu à des modalités de partage du logement très hétérogènes, s’inscrit aussi dans un long processus de transformation des structures familiales et de l’espace domestique. Une mutation caractérisée entre autres par la constitution de « ménages non familiaux » qui renouvellent les liens sociaux traditionnels.
Ces nouveaux groupes domestiques « colocataires » alimentent de nombreux récits, allant de la société du « partage » à la résurrection d’anciennes utopies. Autant de discours qui amalgament les diverses motivations animant la colocation, entre pragmatisme économique et construction d’un nouveau modèle de sociabilité.
La colocation : quelle définition, quels contours ?
Colocation, cologement, cohébergement, cohabitat, coliving, location partagée… si le vocabulaire de la colocation s’enrichit de jour en jour, quelles réalités recouvre-t-elle ? (...)
Une « révolution du lien social »
S’il est convenu d’aborder la colocation dans un premier regard comme une contrainte économique qui a entraîné une transformation sociologique, il faut rappeler que le « foyer » a été le cœur de profondes mutations, plus anciennes, plus intimes, amorcées notamment dans les années 1960. Elles touchent particulièrement au lien familial et conjugal, aux assignations du masculin et du féminin, à la représentation de l’individualité (...)
L’avènement du ménage non familial (...)
« Les sociétés sont devenues plus fluides et les couples évoluent. On constate l’émergence de nouveaux groupes domestiques, qui n’ont plus grand-chose à voir avec la forme traditionnelle. La colocation se révèle d’ailleurs parfois plus simple que la vie en couple ! », comme l’explique le sociologue Yankel Fijalkow. (...)
Dans son investigation des multiples formes de la colocation/cohabitation, Monique Eleb évoque l’apparition d’un nouveau lien social, combinant amitié et esprit familial (...)
Société élective et collaborative : folklore et récits de la colocation
Espace transitionnel en perpétuel mouvement et recomposition, la colocation est un terrain favorable au déploiement de nombreux récits. (...)
Une plasticité des relations sociales façonnée et exacerbée par la pratique des réseaux sociaux et celle du monde numérique en général, qui répond également à d’autres injonctions telles la mobilité, la flexibilité, jusqu’à l’intégration de l’intérim et de la précarité, déjà tout à fait assimilés dans la sphère professionnelle. (...)
Les études sociologiques n’oblitèrent pas toutefois les raisons fondamentales du choix colocatif : un mode d’accès au logement et une économie budgétaire ; une solution pour se maintenir dans le logement, prévenir les impayés de loyers et les expulsions locatives ; la quête d’autonomie ; la lutte contre la solitude, que Michel Fize a également repérée chez les jeunes (...)
D’aucuns évoquent la « société du co », du « partage », multidimensionnelle, ambiguë et coincée entre valeurs humanistes et visée lucrative. « Ce préfixe traduit-il une évolution plus collective des rapports sociaux ou un habile recyclage d’arrangements vieux comme le monde ? » (...)
Si un nouveau rapport à la consommation émerge, notamment autour du « partage », la question du « pouvoir d’achat » reste toutefois au centre des préoccupations. La tentation est alors aisée d’idéologiser ce qui relève du simple pragmatisme (...)
Si un nouveau rapport à la consommation émerge, notamment autour du « partage », la question du « pouvoir d’achat » reste toutefois au centre des préoccupations. La tentation est alors aisée d’idéologiser ce qui relève du simple pragmatisme (...)
Le développement de la colocation plonge ainsi ses racines dans le substrat sociologique des mutations affectant la structure familiale et fait écho à certaines expériences communautaires. (...)
Mais cet espace/temps transitionnel constitue également une opportunité pour l’expérimentation de nouveaux modes de vie (...)