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Mediapart
Un rapport étrille les BRAV-M, des unités « répressives, violentes et dangereuses »
#brav-m #petition #assembleeNationale
Article mis en ligne le 14 avril 2023
dernière modification le 13 avril 2023

L’Observatoire parisien des libertés publiques s’est penché sur l’action de ces brigades policières motorisées depuis leur création, en mars 2019. Dans un rapport publié jeudi 13 avril, il les accuse de pratiques « intimidantes » et « virilistes », susceptibles de « dissuader » les manifestations.

Sous le feu des critiques depuis des semaines, objets de plusieurs enquêtes et d’une pétition réclamant leur dissolution – enterrée par l’Assemblée nationale malgré ses 264 000 signatures –, les brigades de répression de l’action violente motorisées (BRAV-M), escouades de 36 policiers juchés par deux sur des motos, sont devenues le symbole ambulant de ce que les manifestant·es reprochent aux forces de l’ordre françaises : une violence imprévisible, indiscriminée et gratuite.

Le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, défend farouchement l’action de ces unités, lesquelles plaident « la fatigue morale et physique » pour justifier leurs dérives.

L’Observatoire parisien des libertés publiques (OPLP), créé il y a trois ans à l’initiative de la Ligue des droits de l’homme (LDH) et du Syndicat des avocats de France (SAF), jette une nouvelle pierre dans son jardin.

Dans un rapport intitulé « Intimidations, violences, criminalisation : La BRAV-M à l’assaut des manifestations », publié jeudi 13 avril et fondé sur 90 observations des pratiques de maintien de l’ordre à Paris depuis le 1er mai 2019, il livre un réquisitoire sévère contre ces brigades « violentes et dangereuses, promptes à faire dégénérer les situations ».

« La BRAV-M a développé un style qui puise dans les répertoires de la chasse, du film d’action, du virilisme et de l’intimidation », écrivent les auteurs du rapport, qui voient dans cette « unité purement répressive » la traduction de « l’indifférence du pouvoir exécutif aux inquiétudes des citoyen·nes, ainsi qu’aux principes fondamentaux de l’idéal démocratique ». (...)

Selon le rapport de l’OPLP, ces unités répondent à une volonté du pouvoir exécutif de durcir les pratiques policières, « dans une logique répressive à l’égard des manifestations, perçues sous l’angle du groupement à disperser plutôt que sous celui de la liberté à protéger ».

En annonçant la nomination de Didier Lallement à la tête de la préfecture de police de Paris, en mars 2019, le premier ministre Édouard Philippe assumait de vouloir renforcer « la fermeté de la doctrine du maintien de l’ordre ». Pour cela, les DARD seront « transformés en unités anti-casseurs et dotés d’une capacité de dispersion et d’interpellation pouvant être engagée dès les premiers troubles ».

À Bordeaux, son poste précédent, Didier Lallement avait déjà appliqué cette stratégie « participant à l’escalade de la violence » entre policiers et manifestants, selon l’Observatoire girondin des libertés publiques (OGLP).

En avril 2021, cet équivalent local de l’OPLP dénonçait déjà la « politique d’intimidation » du préfet Lallement à l’égard des manifestant·es, notamment avec la mise en place des brigades de policiers motorisées. Tandis que lors d’une visite à Bordeaux, le 11 janvier 2019, le secrétaire d’État Laurent Nuñez avait félicité Didier Lallement pour sa gestion du maintien de l’ordre, peu avant sa nomination à Paris.
« Les BRAV-M causaient trop de problèmes »

Au sein même de la police, comme le rappelle l’Observatoire parisien des libertés publiques, l’absence d’encadrement et de formation spécifique au maintien de l’ordre pour les BRAV-M fait grincer des dents. En mars 2020, Mediapart avait révélé plusieurs notes internes émanant de la gendarmerie et des CRS, faisant part d’ordres illégaux du préfet Lallement et de violences commises par ces brigades motorisées.

S’inspirant des BRAV-M, la gendarmerie a constitué ses propres pelotons motorisés d’intervention et d’interpellation (PM2I), composés de gardes républicains, à partir d’avril 2019. « Ces unités agissent comme un “harpon” qui va disperser ou fixer l’adversaire », explique un haut gradé de la gendarmerie à Mediapart.

Mais sur le terrain, où policiers et gendarmes sont censés collaborer, « les BRAV-M causaient trop de problèmes », estime ce gendarme. « Ces policiers, qui ont une culture de la BAC, percutent les manifestants et sont davantage source de trouble et de panique. » (...)

« Les BRAV-M vont à l’encontre du droit de manifester, commente aujourd’hui ce haut gradé, on a dû s’en retirer. »

Selon une note de janvier 2023 que Mediapart s’est procurée, les BRAV-M sont désormais majoritairement constituées de membres des compagnies d’intervention (CI) de la préfecture de police de Paris comme passagers, et de fonctionnaires de la division régionale motocycliste comme conducteurs.
Motos puissantes et tenues sombres : « le style BRAV-M »

« Les observateurs et observatrices ont été témoins de nombreuses scènes de violences de la part des BRAV-M, quand iels n’en ont pas été directement victimes », écrit l’Observatoire parisien des libertés publiques, évoquant des charges qui sèment la panique dans les cortèges et un usage massif des armes (grenades et lacrymogènes).

Au-delà de ces exemples, le rapport dissèque « le style BRAV-M », dont le nom évoque à dessein « la bravoure », avec ses agents « vêtus de couleurs sombres » qui se déplacent sur « des motos banalisées puissantes et sportives », sans signes distinctifs.

En dépit des règles en vigueur, leur appartenance à la police nationale est en effet particulièrement discrète : « visages dissimulés malgré l’interdiction du port de la cagoule, RIO invisibles ou simplement non portés ». Même à pied, les BRAV-M gardent leurs casques de moto à visière fumée, qui les rendent encore moins identifiables.

Ce « penchant pour la dissimulation », allié à des « références à la prédation » sur leur tenue – notamment la marque de leur blouson, un logo à tête de fauve, gueule ouverte, tandis que leur écusson représente un frelon –, conforte ces agents dans leur « rôle de chasseurs », ancré dans « un imaginaire viriliste ». (...)

Leur « arrivée bruyante produit sidération, terreur ou fascination ». Leur « proactivité », leur « autonomie tactique » et leurs « réactions démesurément brutales » contribuent, selon le rapport, à « instaurer la peur dans les manifestations » plutôt qu’à la désescalade. « Ceci fait de la simple présence de la BRAV-M un facteur de danger. »
« Montrer les muscles »

Pour l’observatoire, le manque de formation et de spécialisation ne suffit pas à expliquer ce phénomène. Au contraire, il estime que les autorités politiques assument ces « choix stratégiques », dans un contexte de remise en cause de l’action policière (...)

les BRAV-M représenteraient « la réaction d’une institution qui, face aux accusations, sort les motos pour montrer les muscles ».

Le nombre d’arrestations serait désormais envisagé comme « un indicateur de performance », au risque de « cibler n’importe qui » malgré des suites judiciaires peu convaincantes. (...)

« Ce qui se fait de pire dans la police »

Sur l’organisation interne des BRAV-M, une certaine opacité règne. « Une série de questions ont été adressées par la LDH à la préfecture de police de Paris, mais cette dernière n’a pas donné suite. » En janvier 2023, la commission d’accès aux documents administratifs a donné raison à la LDH et rendu un avis favorable à la communication des documents qu’elle demandait. Mais là encore, la préfecture de police de Paris ne s’y est pas pliée.

Malgré cette volonté de « se dérober au contrôle citoyen », certains commissaires à la tête des BRAV-M se sont toutefois rendus « célèbres pour des actes de violence » (...)

Pour l’observatoire, les BRAV-M représentent « une illustration particulièrement éloquente de ce qui se fait de pire dans la police et les stratégies de maintien de l’ordre françaises ». Il s’inquiète, en conséquence, du satisfecit des autorités et d’un élargissement de leurs missions : envoyées en renfort pour le G7 de Biarritz, ces unités parisiennes seraient également déployées pour des opérations « anti-délinquance » en banlieue.

A télécharger :
Le rapport sur la terrorisation de la République sociale commanditée par l’Elysée.