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Reporterre
Un rapport tacle l’accaparement de l’eau par les intérêts privés
Article mis en ligne le 16 juillet 2021

« Raréfaction qualitative », accaparement par des intérêts privés, pollution… La commission d’enquête sur l’eau sort un rapport alarmant sur l’état de cette ressource en France. Elle appelle le gouvernement à la considérer comme un bien commun.

C’est un pavé de 316 pages jeté dans la mare du gouvernement. Jeudi 15 juillet, la commission d’enquête parlementaire « relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences » a délivré un épais rapport, qui préconise une petite révolution dans la gestion de cette ressource : considérer l’eau comme un bien commun [1].

Pendant six mois, un groupe de députés, emmenés par Mathilde Panot (La France insoumise), se sont intéressés aux « différents aspects de la main basse sur l’eau en identifiant les cas emblématiques de financiarisation, de prédation, de corruption et de mauvaise gestion de l’eau par les opérateurs privés en France, notamment en outre-mer ». Autrement dit, dans un contexte de raréfaction de la ressource, l’eau fait-elle l’objet d’accaparement par des intérêts privés ?

À l’arrivée, le rapporteur de la commission, le député La République en marche (LREM) Olivier Serva, estime que « les intérêts privés peuvent entrer en collision avec les objectifs d’une gestion collective de la ressource et de la distribution de l’eau, si l’État ne garantit pas des règles du jeu claires, transparentes et équitables ». Traduction par Mme Panot, interrogée par Reporterre : « Les entreprises privées ont un pouvoir démentiel sur cette ressource vitale, et sont constituées en puissant lobby infiltré jusqu’au cœur des institutions. » (...)

En résumé, il y a de moins en moins d’eau de qualité disponible... mais de plus en plus de demandes. Selon le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), nous en prélevons chaque année 32 milliards de mètres cubes, dont 50 % pour refroidir nos centrales nucléaires — cette eau est très rapidement restituée dans le milieu naturel, non sans impact sur la température et la qualité de l’eau. Quelque 5,4 milliards de mètres cubes sont consommés pour des usages domestiques. Le reste va principalement à l’irrigation et à l’industrie.

« Un marché très prisé par les multinationales » (...)

« Il ne s’agit pas d’une “marchandise” comme les autres, mais d’une ressource essentielle à la vie, rappelle-t-elle. En Californie, on peut spéculer sur le prix de l’eau ; en France, on n’en est pas là, mais force est de constater que l’eau constitue un marché très prisé par les multinationales. » Face à ce constat d’accaparement, les députés ont observé que la puissance publique s’était peu à peu désengagée de la question. (...)

Avec elle, le rapporteur de la commission appelle donc l’État à mieux protéger l’eau, en considérant d’une part la ressource comme un « bien commun » inappropriable, et en garantissant d’autre part un droit d’accès à l’eau pour toutes et tous. (...)

Avec elle, le rapporteur de la commission appelle donc l’État à mieux protéger l’eau, en considérant d’une part la ressource comme un « bien commun » inappropriable, et en garantissant d’autre part un droit d’accès à l’eau pour toutes et tous. (...)

La gestion de l’eau par une régie publique « constitue la meilleure solution »

Si l’eau est un bien commun, il convient également de hiérarchiser son usage, en donnant un accès prioritaire aux besoins les plus vitaux. Or la loi française reste très vague sur cette question, se contentant de reconnaître un droit d’accès à l’eau potable pour les usagers. Mais entre l’irrigation agricole, la pêche, la protection contre les inondations ou la vie biologique des milieux aquatiques, que faut-il faire « passer avant » ? Les députés recommandent de s’inspirer de l’Espagne, qui a prévu une hiérarchie des usages, avec huit rangs de priorité, dont en tête l’approvisionnement en eau potable, puis l’irrigation, suivie de l’hydroélectricité et enfin des autres usages industriels. (...)

Enfin, si l’eau est un bien commun, « il faut garantir à toutes et tous un accès à cette ressource », affirme Mme Panot, qui pousse pour rendre gratuits les premiers mètres cubes d’eau — proposition reprise par le rapporteur. Dans ce système de tarification progressive, les 20 litres d’eau par jour et par personne considérés par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme « vitaux » seraient gratuits [3], puis le prix du mètre cube augmenterait peu à peu afin d’inciter à la sobriété.