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Une aide qui libère ou qui confirme le système
Que faire en tant que travailler de la santé dans le Sud : neutralité médicale ou choisir son camp ?
Article mis en ligne le 20 mai 2012
dernière modification le 18 mai 2012

Quel est le sens de l’aide au développement ? Il semble souvent aller de soi que l’aide au développement et notamment l’aide médicale au développement soit toujours bonne. La médecine n’est pas tout simplement bonne mais vous ne pouvez juger de sa valeur qu’à condition de la considérer dans le contexte social au sein duquel elle se situe.

(...) en commettant la faute systématique de nous en tenir à fournir une aide humanitaire sans nous soucier des problèmes sous-jacents, nous maintenons inévitablement en place le système qui est responsable de la tragédie. Sur fond d’un environnement politique, social et économique défavorable, tout projet de santé qui forme « une petite île de bien-être » peut être effacé du tableau. Maintenir une position strictement apolitique dans des situations de pauvreté endémique, d’injustices et de guerres témoigne d’une sous-estimation de l’influence politique sur la situation existante. Déni/méconnaissance des causes sous-jacentes, des structures et des mécanismes d’exploitation qui se trouvent à la base de la mauvaise situation sanitaire et – par conséquent – la nécessité d’une assistance.

On agit par « sentiment de charité », mais parfois même – et c’est plus grave – par sentiment de culpabilité, mais sans analyse politique préalable. On ne se pose pas de questions sur les causes de la tragédie, on ne remet pas en question le contexte historique, économique ni politique. Avec pour conséquence que l’aide prêtée débouche finalement sur un « palliatif » qui atténue les problèmes mais sans réellement les résoudre. (...)

Par manque d’analyse politique de la situation, des organisations humanitaires suivent la politique du Nord. On est influencé et utilisé par l’idéologie dominante et par les forces de domination. On défend alors le devoir d’intervention humanitaire, dans le sillage des intérêts géopolitiques et des interventions militaires du Nord.
C’est ainsi que nous en sommes arrivés au danger le plus important lié à une position apolitique : la contribution – non consciente – à la permanence et à la confirmation de la situation comme conséquence d’une collaboration à des « projets » capitalistes, impérialistes, avides de gains. (...)

En comblant les lacunes de l’aide et des soins de santé fournis au niveau local, on enlève aux véritables responsables (à savoir : le gouvernement local, mais aussi les banques et les spéculateurs sur le marché alimentaire) la responsabilité de changer quelque chose à la situation sociale locale, celle-là même qui provoque l’aide et qu’ils utilisent pour leurs propres intérêts. (...)

Cet exposé doit plutôt être vu comme un appel adressé aux différentes ONG spécialisées dans l’aide urgente et humanitaire afin non qu’elles mettent un terme à leurs actions mais bien qu’elles les accomplissent avec des exigences politiques claires.
(...)

Le travail médical est le plus significatif quand il se mène en collaboration avec les organisations partenaires dans le Tiers-Monde qui luttent contre les causes structurelles de la mauvaise situation de santé, par exemple : l’injustice et l’exclusion. (...)

Nous ne devons pas « choisir notre camp » (prendre parti) mais nous devons respecter la souveraineté du pays. Cette souveraineté nous la respectons en collaborant avec les partenaires qui œuvrent à l’amélioration des conditions socio-économiques, qui organisent la population, qui diffusent la connaissance et la conscience, qui s’appuient sur leurs forces propres pour construire un contre-pouvoir à tous les niveaux, partant de la population et conduisant finalement à la libération et à l’émancipation.
(...)

Cette approche structurelle sauvera à terme beaucoup plus de vies qu’une aide médicale immédiate comme telle. Cela signifie souvent qu’il faut ramer à contre-courant mais en sachant qu’on contribue à une solution durable. De cette conscience, on peut tirer la force d’affronter les obstacles.

Ou pour le dire avec les mots de Jacques Brel : « La plus grande folie est d’accepter ce monde tel qu’il est, et de ne pas se battre pour un monde tel qu’il devrait être. »

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