
L’Humanité du 20 avril propose un « Débats&Controverses » sur le scandale des abattoirs, où, comme le révèlent plusieurs vidéos, les animaux sont tués et dépecés dans des conditions atroces. Quatre pages passionnantes, dans lesquelles s’est glissé un billet atterrant. Dans le rôle du philosophe venant donner des leçons d’« indignation », François Wolff revoit à la baisse nos obligations « morales ».
L’indignation serait « facile »
Moi qui soutiens depuis peu, et très modestement, la cause anti-spéciste je n’ai pourtant jamais été frappée par la « facilité » ou l’ « unanimité » de ce combat, pour reprendre un deuxième qualificatif utilisé dans la tribune. D’après mon expérience, l’antispécisme est presque plus décrié encore que le féminisme, et suscite des réactions on ne peu plus curieuses : du silence gêné, comme si j’avais une maladie honteuse, à la bonne rigolade incrédule (« nnnoonnnh, pas toi !!!!! »).
C’est rarement le consensus en effet que rencontrent tous ceux qui, de manière individuelle (par un régime végétarien ou végétalien) ou collective (comme l’association L214) s’opposent au système de souffrance et de torture inouïes que les êtres humains imposent aux animaux.
Je ne peux m’empêcher de citer les propos de cet hôte par ailleurs très accueillant qui, alors que je refusai poliment sa côte de bœuf, m’a demandé assez sérieusement : « et ton mari, il n’a pas demandé le divorce ? ». Véridique. L’alliance sacrée de l’idéologie franchouillarde sexiste et de l’esprit franchouillard viandard contre celle qui ne communie pas dans le saucisson de l’apéro et le poulet du dimanche. Pour le coup, je n’avais plus faim du tout.
Assez fréquents aussi les rappels à l’ordre : mais tu t’es trompée de combat, tu manques de cohérence (« et la feuille de la salade, elle ne souffre pas ? et le cri de la carotte, tu l’entends ? »), et surtout tu oublies les autres combats, forcément plus importants : les guerres, la pauvreté, le misère, autant de problèmes dont on nous rendrait presque responsables.
Pour François Wolff, ce sont les « réfugiés » qu’on oublierait : « On aimerait la même unanimité quand, au vu de tous, on traite des êtres humais comme des animaux (je pense aux réfugiés) ». En gros : au lieu d’aller faire des films dans les abattoirs, pourquoi est-ce que vous n’allez pas manifester à Calais. Mais qui vous dit qu’on ne fait pas les deux ? Qui vous dit qu’on ne donne pas de son temps pour militer, manifester, pour les deux ? Qui nous dit que, parce que vous ne perdez pas votre temps dans les luttes antispécistes, et parce que vous ne vous refusez pas le plaisir d’un bon steak, vous êtes sur la brèche, disponible, mobilisé, pour soutenir la lutte des réfugiés ? (...)