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Une journée d’études sur l’asile LGBT censurée à l’université de Vérone. Pétition
ERIC FASSIN Enseignant-chercheur, sociologue
Article mis en ligne le 24 mai 2018

En Italie aussi, les libertés académiques sont menacées, et la démocratie avec elles. L’extrême droite arrive à peine au pouvoir que les effets s’en font déjà sentir : sous la pression politique, le président de l’Université de Vérone décide la suspension d’une journée « sur des thèmes politiquement et éthiquement controversés tels que les migrations et l’orientation sexuelle des personnes »…

Sous la pression de l’extrême droite qui vient d’arriver au pouvoir en Italie, le président de l’université de Vérone, l’économiste Nicola Sartor, a « suspendu », vendredi 18 mai, une journée d’études et de formation prévue vendredi 25 mai, intitulée : « Demandeurs d’asile, orientation sexuelle et identité de genre ».

Cette journée organisée, dans le cadre d’un Projet de recherche d’intérêt national (PRIN) sur la vulnérabilité, par les départements de sciences humaines et de sciences juridiques, ainsi que les laboratoires Hannah Arendt et PoliTeSse de cette même université, en collaboration avec l’Association d’Études Juridiques sur l’Immigration (ASGI) et le guichet migrant.e.s LGBT de l’association Arcigay, et avec la participation, entre autres, d’une représentante de l’UNHCR, devait permettre des échanges entre chercheuses et chercheurs, praticien.ne.s du droit et militant.e.s.

La presse italienne l’a rapporté : devant le succès promis à cette journée, dont témoignaient les nombreuses inscriptions, l’extrême droite (la Lega, Forza Nuova) s’est mobilisée pour faire interdire l’événement, avec des tracts (« Pas de réfugiés gays, stop à la dictature du genre ») et des menaces (Forza Nuova annonçait ainsi une manifestation devant l’université le 25 mai : « quelqu’un doit interdire ce colloque, si personne ne le fait, on le fera, nous, par la force »).

En reportant sine die la journée, avec pour prétexte « l’approfondissement de ses contenus scientifiques », le président de l’université de Vérone a donné gain de cause à l’extrême droite tout en se réclamant dans son communiqué de l’autonomie scientifique au moment de sacrifier les libertés académiques : « L’université ne peut pas se laisser instrumentaliser de la part de sujets extérieurs au monde scientifique qui s’affrontent sur des thèmes politiquement et éthiquement controversés tels que les migrations et l’orientation sexuelle des personnes. »

Nous nous indignons que l’extrême droite prétende aujourd’hui dicter ce qu’on peut faire ou dire dans les universités italiennes, et nous nous inquiétons qu’un président d’université, en cédant à de telles pressions, encourage à les multiplier. Nous demandons au président de l’université de Vérone, malgré les difficultés du contexte politique italien, de revenir sur sa décision pour préserver la réputation internationale de son établissement dans le champ universitaire.

Aujourd’hui, ce sont les études de genre et les recherches sur l’immigration qui sont attaquées ; et c’est l’université de Vérone qui est visée. Mais demain, qui, dans le monde universitaire, pourra se croire à l’abri ? Nous manifestons à nos collègues d’Italie toute notre solidarité tant nous savons que, chez eux comme chez nous, il faut défendre avec vigilance les libertés académiques, sous peine de les voir reculer, et la démocratie avec elles.