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Vendre ses données personnelles : l’Homme, enfin une marchandise
Article mis en ligne le 8 octobre 2014
dernière modification le 1er octobre 2014

Les Français ont conscience que l’on se sert de leurs données personnelles, éparpillées sur la Toile. 74 % craignent que les sociétés en fassent mauvais usage, quand 45 % l’accepteraient, à condition qu’elles soient accompagnées d’une compensation financière. Pour 500 €, 30 % seraient disposés à ouvrir un large accès, explique une étude a été publiée par Havas Media. Reste que cette collecte implique d’être avant toute chose informé de ses droits. Mais vendre ses données personnelles n’a rien d’anodin. Du tout.

(...) Puisque les données personnelles font déjà l’objet d’une très large exploitation commerciale par les plateformes sur Internet, certains estiment qu’il serait plus juste d’entériner cet état de fait en créant un droit de propriété au bénéfice des individus, afin qu’ils puissent les commercialiser et en tirer un revenu. Cette approche n’est pour l’instant pas celle de la réglementation française et européenne, reposant sur une conception "personnaliste", considérant les données personnelles comme un prolongement de la personne humaine et les protégeant à ce titre.

Mais aux États-Unis, la marchandisation volontaire des données personnelles est déjà une réalité, assurée notamment par le biais d’intermédiaires agissant comme des "courtiers" et proposant aux individus de "reprendre le contrôle sur leurs données" ou d’en "redevenir propriétaires" en les portant sur une place de marché destinée aux annonceurs. (...)

données personnelles par les individus constitue un véritable miroir aux alouettes, potentiellement dangereux, mais qui risque de s’avérer très attractif s’il venait à se déployer. (...)

A l’heure actuelle, l’emploi même du mot "vente de données" n’est pas envisageable dans le cadre du droit européen. Comme l’explique la juriste Cédrine Morlière sur le site Actualitté, les plateformes ne disposent en effet dans ce cadre juridique que d’un droit d’usage et pas d’un droit de propriété (...)

Les services comme Datacoup avancent qu’ils vont permettre aux individus de "reconquérir leurs propres données" et d’en "retrouver la propriété". Mais il me semble au contraire que cette rhétorique sert surtout ici à faire en sorte que l’individu participe activement à sa propre exploitation et au transfert de ses droits au profit de tiers. Rien n’est fait sur la plateforme pour expliquer clairement les usages des données qui seront faits par les entreprises à qui elles seront revendues.

La société Datacoup assure elle-même le premier achat, histoire sans doute de convaincre l’utilisateur qu’il "vaut quelque chose". Et une fois cette petite flatterie narcissique effectuée, nous sommes directement incités à aller beaucoup plus loin que les informations de nos profils sur les réseaux sociaux, en livrant les données bancaires liées à nos cartes de crédit… (...)

On peut dès lors comprendre que le Conseil d’Etat, dans son récent rapport consacré aux libertés fondamentales et au numérique, ait sévèrement critiqué et appelé à rejeter cette approche patrimoniale visant à créer un droit de propriété individuel sur les données personnelles. (...)

La facilité déconcertante avec laquelle on peut livrer ses données à une place de marché sur Datacoup peut faire craindre en effet que beaucoup d’individus se laissent prendre à ce jeu, sans se rendre complètement compte de ce qu’ils font. Pire, le fait qu’un prix soit immédiatement donné aux informations personnelles ne peut que renforcer le consentement à "se vendre" et les choses seraient sans doute encore pire si l’on pouvait se comparer à d’autres sur un service comme Datacoup. On connaît déjà les phénomènes de "narcissisme numérique", comme le Quantified Self, qui révèle le goût que peuvent avoir les individus pour la mesure d’eux-mêmes.