
Peut-on jouer aux apprentis humoristes en toute impunité quand il s’agit de violences faites aux femmes ? Pour le journal Le Berry républicain, il semblerait que oui, du moins si l’on s’en tient à l’article intitulé « Il passe par le toit pour exiger un rapport sexuel de son ex », publié le 26 juin dernier dans la rubrique « à la Une » de l’édition du Cher.
Accumulation de métaphores et de clichés douteux, cet article, sous des dehors humoristiques, relate avec une rare complaisance un cas de violences conjugales. Et si le quotidien a depuis supprimé l’article de son site (qui reste cependant visible en cache), la tonalité générale du propos n’en est pas moins d’une légèreté édifiante et déplacée au regard de la gravité des faits [1]. (...)
De quoi parle-t-on, au juste ? Un homme passe devant le tribunal. Pour quel chef d’accusation ? L’article ne le mentionnera jamais explicitement. Plutôt que de nommer le harcèlement sexuel et la tentative d’agression sexuelle, ici caractérisés, le journaliste multiplie les figures de style et les traits « d’esprit » plutôt que de s’attarder sur les faits, que l’on peut résumer ainsi : l’homme est entré par effraction au domicile de la victime, pour « exiger » une relation sexuelle avec elle, avec force menaces.
Des métaphores usées jusqu’à la corde
Plutôt que d’exposer les faits, l’auteur préfère donc user et abuser de références et de métaphores souvent malvenues. (...)
Tous les éléments semblent réunis pour faire de cet article le parfait contre-exemple en matière de traitement médiatique des violences conjugales : inversion des rôles entre agresseur et agressée, euphémisation voire invisibilité de la souffrance de la victime et des chefs d’accusation, connivence tacite avec l’accusé et absence de remise en contexte structurelle de ces violences sexistes.
Si ces lignes n’étaient qu’un cas isolé, témoignant d’une maladresse journalistique certes regrettable, nous pourrions les mettre sur le compte d’un égarement individuel. Mais il n’en est rien. En novembre dernier nous pointions déjà le divertissement médiatique que représentaient trop souvent les violences conjugales dans les médias locaux comme nationaux. (...)