« Ici, on force les salariées à porter une jupe. McDo macho. » « Managers agresseurs, McDo complice. » « Trans à McDo, c’est chaud. » Le 9 mars dernier, des colleurs discrets recouvrent les murs de plusieurs restaurants, ou leurs alentours, de la célèbre chaîne de restauration rapide américaine. Des militants du collectif McDroits distribuent des tracts. On y lit : « Marre de la jupe obligatoire » ; « Marre de devoir sourire et être jolie ». « Équipiers·ères polyvalent·e·s, hôtesses à McDo en avons assez de subir des remarques, des pressions, parce que femmes », dénonce la trentaine de salariées, qui se sont regroupées pour dénoncer le management chez McDo.
Mediapart et StreetPress (...) ont enquêté pendant plus de deux mois sur le management au sein de différents restaurants McDo et, notamment, sur la gestion des récits de violences sexistes et sexuelles faits par leurs salariées. Au total, nous avons recueilli 38 témoignages de salarié·e·s qui se présentent comme victimes d’un management violent et, très souvent, sexiste. Des récits parfois très durs à entendre et à lire.
Ils s’ajoutent aux 40 collectés par le collectif McDroits et l’association React. Ceux-ci estiment que 25 d’entre eux renvoient à des faits pouvant s’apparenter à des actes de harcèlement sexuel, 24 à des faits de harcèlement moral et 7 à des agressions sexuelles
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Le groupe, déjà visé par des accusations similaires dans plusieurs pays et par une plainte déposée devant l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques, chargée de promouvoir les politiques qui amélioreront le bien-être économique et social partout dans le monde) pour « harcèlement sexuel systémique », a refusé de répondre à nos questions détaillées. (...)
Dans certains restaurants, dont certains sont des franchises, plusieurs témoignages rapportent que des propos à connotation sexuelle font partie du quotidien. (...)
« C’est remonté aux oreilles du directeur, rapporte ensuite la salariée. Je lui ai tout raconté. J’avais peur d’aller porter plainte mais je me suis dit que le directeur allait m’aider. C’était une erreur. » Le directeur du restaurant décide de convoquer Laure et P., en décembre 2019, pour une confrontation, que tous les deux acceptent. Elle vient avec un témoin, l’une de ses collègues qui deviendra, peu après, la salariée chargée de la lutte contre les discriminations sexistes au sein du restaurant.
L’équipière explique à son manager sa version des faits. P. ne nie pas – « désolé de t’avoir violée », a-t-il dit, selon plusieurs sources –, mais, d’après Laure, il minimise : « Il répétait qu’il y avait eu des jeux de regards, il disait qu’on était amis », raconte-t-elle à Mediapart.
Le directeur aurait alors sermonné son manager puis se serait tourné vers Laure. Là, il lui aurait expliqué qu’il préférerait qu’elle reste dans le restaurant mais que, si c’était trop insupportable pour elle, il pouvait la faire muter dans un autre restaurant. Contacté à de multiples reprises, le directeur n’a jamais répondu à nos questions.
« Je n’ai pas voulu partir. Ce n’était pas à moi de faire profil bas. Je ne voulais pas qu’il gagne », raconte, la voix secouée, la jeune femme. Jusqu’à août 2020, Laure a dû cohabiter avec P. sur son lieu de travail. Aucune sanction n’a été prise. Puis il a finalement démissionné pour un meilleur poste dans un autre restaurant.
Quant à elle, elle n’a pas déposé plainte en justice. « J’avais peur de comment j’allais être reçue au commissariat. » Elle travaille toujours dans le même McDonald’s.
Son récit et celui de ses collègues résonnent dans les paroles de nombreux salariés de l’enseigne, qui, même s’ils travaillent dans des restaurants différents, et parfois avec des franchisés divers, décrivent un univers de travail très difficile. Notamment pour les jeunes femmes.
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Sur YouTube, plusieurs anciennes salariées de la chaîne ont fait le choix de raconter la pression et les remarques à connotation sexiste qui auraient marqué leur quotidien. (...)
Deux salariées que Mediapart a interrogées témoignent d’une pratique particulière au sein des restaurants McDonald’s qui les embauchaient. D’après ces dernières, les salariés hommes classaient les nouvelles venues selon leur physique. (...)