« Pour ou contre le voile à l’université ? » La question n’en finit pas de se poser dans la presse et le monde politique. Elle s’auto-alimente sans réel fondement.
Comment la question du voile à l’université a-t-elle pu devenir le nouveau sujet à la mode ? Mardi 17 mars, sur TF1, le président de l’UMP Nicolas Sarkozy s’est déclaré favorable à l’interdiction du voile à l’université. La ficelle est un peu grosse : comment grappiller les voix des électeurs islamophobes, pour lesquels l’UMP est en concurrence avec le Front National. Mais il est vrai que le sujet avait l’honneur des médias depuis plusieurs semaines. Si le port des signes religieux ostentatoires est interdit à l’école et dans le secondaire depuis 2004, les établissements universitaires ne sont pas concernés et sont libres de l’interdire ou non. (...)
L’un des éléments déclencheurs du débat a été l’interview de Pascale Boistard, le 2 mars, par l’éditorialiste du Figaro Yves Thréard, obsédé par l’islam. A la question : « Pour ou contre le voile à l’université ? », la secrétaire d’Etat chargée des Droits des femmes a répondu qu’elle n’y était « pas favorable ». Tout en évitant, visiblement mal à l’aise, d’évoquer une quelconque évolution législative. Mais ce seul « pas favorable » a suffi pour susciter un emballement médiatique. De tribune en tribune, les articles ont fleuri dans la presse. Dernière chronique en date : celle de Julie Pagis, chercheure en sociologie politique au CNRS, qui s’insurgeait le 13 mars dans Libération contre une « proposition de loi » stigmatisante. Mais imaginaire, donc.
Autre signe des exagérations dans ce contexte : l’illustration par le journal Le Monde d’un article consacré le 6 mars à cette question : « Interdire le port du voile à l’université ? ». On y voit une jeune femme... portant un voile intégral. Une tenue d’ores et déjà prohibée dans l’ensemble de l’espace public, et différente des foulards que peuvent porter des étudiantes. Michel Houellebecq, déjà, dans son roman Soumission, imaginait des étudiantes en burqa partout. Le succès médiatique de son ouvrage, en début d’année, a lui aussi contribué à cet étrange débat. Sans compter le climat généré par les attentats islamistes de janvier.
D’ailleurs, dès le 11 février, la Secrétaire Nationale de l’UMP « aux valeurs de la République et Laïcité » se prononçait sur le sujet. Dans un communiqué officiel, Lydia Guirous déclarait que la loi de 2004 « doit aujourd’hui s’étendre à l’enseignement supérieur afin de garantir la neutralité religieuse et permettre un enseignement sans pression, sans intrusion du fait religieux ». Car « depuis plusieurs mois les incidents dans les universités se multiplient et remettent en question la sérénité de l’enseignement ».
Des enseignants s’en sont pris, en effet, à des étudiantes portant le voile, ce qui a conduit à des incidents. (...)
« Il existe des cas où le port de signes religieux peut créer une difficulté mais ce n’est pas forcément le fait des étudiants », commentait dès lors le 22 janvier le président de l’Observatoire de la laïcité, organisme transpartisan placé auprès du Premier ministre, en se positionnant sans ambage contre une interdiction.
La question avait également eu l’honneur d’une tournée politico-médiatique à l’été 2013. Le Haut conseil à l’intégration (HCI), prédécesseur de l’Observatoire de la laïcité, recommandait de mettre à jour la loi de 2004 pour appliquer aux universités aussi l’interdiction des signes religieux ostentatoires. Geneviève Fioraso, alors secrétaire d’Etat à l’Enseignement supérieur, avait clos le débat en réclamant « qu’on n’invente pas des problèmes là où il n’y en a pas ».