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Vous avez dit « enculé » ?
Le blog de Gaëlle Krikorian
Article mis en ligne le 17 mai 2014
dernière modification le 14 mai 2014

« C’est cet enculé de Barroso... » Mon interlocuteur souhaite exprimer son aversion envers le président de la Commission européenne. Je lui fais remarquer que l’insulte est homophobe. Il semble surpris, cherche à justifier son propos : « Non, mais c’est vraiment un connard ». « Oui, je vois bien ce que tu veux dire, mais le traiter d’enculé, c’est homophobe ». Il bafouille un peu, rougit même, et rapidement conclut que j’ai raison, que ça n’est pas ce qu’il voulait faire, qu’il n’est pas du tout homophobe. Je réponds que j’en suis certaine et reprend la conversation là où nous l’avions laissée afin d’éviter que le froid jeté ne s’éternise.

L’incident est atypique. Il m’arrive souvent de reprendre les gens qui emploient le terme d’« enculé », avec des collègues ou des amis d’amis ; ce qui s’ensuit est généralement une conversation trop longue et souvent pénible pendant laquelle la personne avec qui je parle essaie de prouver qu’elle est dans son droit. Les arguments sont toujours plus ou moins les mêmes. Il existe une panoplie relativement standard.

L’une des premières justifications est de signifier, d’une façon ou d’une autre, que si le terme est fort c’est que la faute est grave : « C’est vraiment un connard ». « Non, mais un mec pareil... ». « Je te jure, c’est vraiment un fils de pute. » Bon, je ne me lance pas d’emblée à expliquer que connard, c’est sexiste, ou que fils de pute, c’est sexiste et putophobe. Dans ce genre de situation, il faut procéder par étape, ne traiter qu’un problème à la fois, avoir un minimum de méthode (ou d’expérience). Je me borne donc à la question de l’« enculé » et tente d’expliquer en un minimum de mots que précisément ce qui est homophobe c’est le choix de ce terme comme insulte, dans le but très clair de disqualifier un individu. Dire « enculé », c’est comme dire pédé. Or, dans mon expérience, traiter quelqu’un de pédé, sauf lorsque l’on en est un, ou qu’on est une lesbienne, et que l’on s’adresse à un copain lui-même pédé, c’est une insulte. (...)