
Le 5 décembre, journée de grève et de manifestation d’une ampleur historique dans toute la France, France 2 diffusait, à partir de 21h, une émission de débat intitulée « Vous avez la parole » et animée par Léa Salamé et Thomas Sotto. L’occasion, entre autres, d’étriller une nouvelle fois les « privilèges » des cheminots, dans le viseur de la rédaction de France 2 depuis plusieurs jours.
Le principe de l’émission de débat de France 2 est simple : deux ministres, Sibeth NDiaye et Gérald Darmanin répondent aux interpellations de huit invités sélectionnés, représentant différentes catégories ou secteurs professionnels, en présence de Philippe Martinez (CGT) et de Dominique Carlac’h (MEDEF). Pourtant très rapidement, ce sont moins les ministres qui seront interpellés par les animateurs de l’émission… que le premier invité interrogé, représentant des cheminots et syndicaliste Sud-Rail. Léa Salamé donne d’emblée le ton :
Fabien Villedieu, vous êtes conducteur de train [...] et vous voulez sauver votre régime spécial, celui qui vous permettra de partir à la retraite à 57 ans […] qu’est-ce que vous répondez à ceux qui vous accusent de vouloir défendre des intérêts personnels, des intérêts corporatistes ?
Et lorsque l’invité explique que la réforme touche l’ensemble de la population, et qu’il faut défendre le système de retraites actuel, Thomas Sotto le coupe (« Vous dites qu’on a un bon système et qu’il ne faut rien changer ? Mais il ne faut rien changer ? »). Avant de se tourner avec gourmandise vers le second invité :
Je m’adresse à vous Thierry Moisset qui êtes chef d’entreprise, est-ce que vous comprenez, vous, que Fabien Villedieu veuille conserver son régime spécial, ou au fond est-ce que vous vous dites « en quoi un cheminot a un travail plus pénible qu’un maçon par exemple ? »
Une question à peine suggestive… Rebelote lorsque Léa Salamé se tourne vers le troisième invité, représentant les avocats (...)
lorsque l’avocat se moque de la communication du gouvernement (« ce qui se dit est plus important que ce qui se fait »), c’est Léa Salamé qui s’agace : « Oh, ça c’est un petit procès d’intention que vous leur faites ». Décidément, les ministres sont sur le grill… Le couplet sur les régimes spéciaux se poursuit avec la première question posée par Thomas Sotto à Dominique Carlac’h, représentante du MEDEF :
Dominique Carlac’h, vous qui êtes au MEDEF, est-ce que vous considérez aujourd’hui que ces régimes spéciaux sont des régimes de privilégiés dans la société de 2019 ou pas ?
Il faut dire qu’en matière de privilèges , la présidente du Medef s’y connaît (...)
Pour ceux qui n’auraient pas encore compris, Léa Salamé est là pour repasser une couche : « Les chauffeurs de bus du Havre partent à la retraite, pardon, 10 ans après les chauffeurs de train de Paris [...] est-ce que c’est normal ? » Puis c’est Nathalie Saint-Cricq, éditorialiste politique à France Télévisions, qui vient corriger une injustice : une des principales marottes de la rédaction de la chaîne publique n’a pas encore été traitée - celle du coût des régimes spéciaux. (...)
Enfin, Thomas Sotto interpelle la porte-parole du gouvernement avec une question d’une rare impertinence :
Alors sur les régimes spéciaux, Sibeth NDiaye moi j’ai une question précise à vous poser, vous dites « il va y avoir la fin des régimes spéciaux » mais ce sera quand ? [...] ce sera quand et pour qui ?
Après plus d’une demi-heure dédiée aux régimes spéciaux, l’émission enchaîne sur la question des fonctionnaires, du point d’indice, de l’agriculture, du régime des indépendants, des retraites des femmes, des étudiants… et au terme de plus de deux heures et demie d’émission, le « verdict » tombe – sous la forme du sondage « maison » : les ministres n’ont pas été jugés convaincants par 63% des personnes interrogées.
Les « pauvres ministres » et la « formidable manipulation des syndicats » (...)
Une chose est sûre : ce n’est pas en écoutant les « analyses » à la truelle du service politique de France 2 que le journaliste suédois pourra se faire une idée sur l’actualité sociale en France…