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Voyage au coeur de la « génération fauchée » du Portugal
Article mis en ligne le 11 septembre 2012
dernière modification le 9 septembre 2012

Précarité accrue, débrouille généralisée, tentation de l’exil : la crise et les mesures d’austérité de la « troïka » ont frappé de plein fouet la jeunesse portugaise, qui peine à y trouver une réponse politique.

Dans un recoin de sa vaste terrasse à Lisbonne, dans le quartier touristique d’Alfama, Ana Margarida Jeronimo empile soigneusement les bouteilles en plastique de 5 litres. « Et j’en ai beaucoup plus chez mon père », précise-t-elle. « Je regardais un reportage à la télé, et une entreprise de Lisbonne disait racheter le plastique pour un prix intéressant », explique cette jeune femme qui espère fonder d’ici quelques mois une société de collecte de plastique à l’échelle de tout Lisbonne : « Il me faut leur fournir au moins 10 tonnes par mois. »

Cette journaliste sans emploi depuis les licenciements massifs au sein de son groupe de presse, en 2010, cumule les sources de revenus : en plus du recyclage, elle réalise des vidéos institutionnelles sur commande et sous-loue (sans le déclarer) la mezzanine et une chambre d’ami de son appartement. Récemment, elle vient de se laisser séduire par la formule du restaurant clandestin : pour 20 euros le repas, elle offre une prestation digne d’un restaurant dans un cadre plus convivial, sur sa terrasse. (...)

Autre activité à qui la crise profite, à une échelle plus dérisoire, celle de l’enseignement des langues à destination des candidats à l’émigration. Car quitter le pays redevient tristement banal, que ce soit vers la France, ou vers les anciennes colonies. (...)

Le sociologue et économiste Albano Cordeiro, spécialiste des flux migratoires, dresse un constat saisissant de ce phénomène d’émigration : « Aujourd’hui, on estime à 150.000 le nombre de personnes ayant quitté le Portugal en 2011. Cela représente tout de même plus de 10% de la population ! (...)

Sur le terrain politique, la lassitude des jeunes Portugais face à cette situation peine à trouver une traduction. Si le Premier ministre socialiste José Socrates est tombé lorsque les députés ont refusé en mars 2011 de soutenir son quatrième plan d’austérité en moins de deux ans, la victoire de la droite emmenée par Pedro Passos Coelho, qui a fait campagne en annonçant vouloir aller « bien au-delà » des exigences de la troïka, a accentué la conversion à l’orthodoxie budgétaire.

Et sur le plan social, les mobilisations n’excèdent pas quelques coups d’éclats retentissants, comme la manifestation du 12 mars 2011. D’abord parce qu’une large partie de la population verse dans le découragement. Ensuite, parce que c’est surtout cette « génération fauchée », dont les perspectives d’avenir immédiat flottent entre le chômage, l’emploi précaire, le retour chez les parents ou l’émigration, qui proteste, mais a du mal à s’organiser au sein des syndicats traditionnels. (...)