
L’exil, le martyre de Marioupol, la vie des soldats au front… De nombreux courts-métrages et documentaires de cinéastes ukrainiens portant sur le conflit en cours ont été présentés au Festival international du film Molodist, qui s’est tenu fin octobre dans la capitale ukrainienne.
Par Thomas d’Istria (Kiev, correspondant)
Lettre de Kiev
Minutes de silence pour les soldats tombés au front, petit film pour commémorer les membres de la communauté du cinéma engagés dans l’armée, ainsi que pour ceux ayant été tués : le Festival international du film Molodist (« jeunesse », en ukrainien) qui s’est tenu à Kiev du 21 au 29 octobre avait beau se dérouler à l’arrière, dans une atmosphère qui pourrait se rapprocher de celle d’un pays en paix, la guerre n’a cessé de se rappeler au public durant toute la semaine. Mais la réalité de l’Ukraine depuis bientôt deux ans a surtout été racontée au travers des productions de cinéastes ukrainiens qui ont présenté des courts-métrages et des documentaires et dont la majorité traitait de la question du conflit.
Le constat n’a rien de surprenant pour un tel événement se déroulant dans un pays ravagé par une ligne de front s’étendant sur des centaines de kilomètres. Et encore moins de la part d’un festival comme le Molodist qui s’attache depuis de longues années à traiter de sujets de société délicats, tout en suivant l’évolution géopolitique de l’Ukraine, de la chute de l’URSS à la révolution de Maïdan en passant par la « révolution orange » de 2004-2005. Depuis 2014 et le début de la guerre du Donbass, le festival a également cessé de présenter des productions de cinéastes russes. (...)
Le film Optics, d’Oleksii Novikov, par exemple, met en scène un drôle de personnage un peu coincé dans son rôle et son allure de tueur à gages qui se révèle très vite être un vétéran de la guerre. Dans la vie civile, l’homme tente de vendre des lunettes à des particuliers et de nouer des relations cordiales avec son ex-femme qui l’a visiblement quitté depuis qu’il s’est perdu « dans ses tranchées ». (...)
Les conditions de réalisation d’un documentaire ayant reçu le 28 octobre le Prix du meilleur film étudiant de la compétition internationale du Molodist permet de décrire la frontière poreuse entre vie intime et production cinématographique. Tutti, réalisé par Alla Savytska, raconte la vie des jeunes de la chorale Shchedryk de Kiev lors de l’invasion russe. Le film commence par les images de la dernière représentation de cette chorale sous un ciel de paix et se poursuit avec des séquences des répétitions dans la capitale, à partir de septembre 2022, alors qu’une grande partie des jeunes se sont réfugiés à l’étranger. On y voit les visages tirés par la fatigue, prêts malgré tout à sourire lors de répétitions dans des abris anti-bombardements. (...)
Le quotidien bouleversé
Kira, enfin, d’Anastasiia Obodovska, 20 ans au moment du tournage, raconte le dilemme d’une jeune femme prise entre son besoin de rejoindre l’armée ukrainienne et son rôle de mère alors qu’elle ne sait pas à qui confier son fils de 12 ans. Le court-métrage est une suite de séquences qui racontent le quotidien bouleversé des Ukrainiens depuis le début de l’invasion.
Anastasiia Obodovska, également étudiante au sein de l’université Karpenko-Kary, dit s’être inspirée de son environnement pour créer cette intrigue qu’elle décrit comme documentaire. (...)