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Reporterre
À Kobané, l’eau et la nature au cœur de la guerre en Syrie
#Kobane #Kurdes #Syrie #eau #ecosystemes
Article mis en ligne le 18 mai 2025
dernière modification le 16 mai 2025

Dix ans après les combats contre l’État islamique, la ville kurde de Kobané tente difficilement de se reconstruire. L’agriculture est à la peine, et une partie de l’eau reste captée par le conflit.

(...) L’Euphrate contrôlée

Les autorités et habitants du nord-est syrien, le Rojava, accusent la Turquie de faire de la rétention avec leurs barrages construits en amont, dans le cadre de leur guerre contre les Forces démocratiques syriennes (FDS), à majorité kurde.

« La Turquie retient beaucoup l’eau de l’Euphrate. D’une part pour sa propre agriculture, qui souffre aussi de la sécheresse, mais aussi pour essayer d’étouffer l’économie agricole dans les parties de la Syrie contrôlées par les Kurdes », explique Peter Schwartzstein, journaliste et chercheur au Centre pour la sécurité et le climat.

« On se sent comme des pions dans un jeu politique. On a peur, on vit sous les bombardements et les menaces des forces proturques, qui peuvent nous tirer dessus depuis l’autre côté de la rivière », témoigne Armanj. L’Armée nationale syrienne (ANS), une milice affiliée à Ankara, la capitale turque, a pris le contrôle de la rive ouest de l’Euphrate fin décembre lors d’une offensive surprise contre les FDS à Manbij, plus à l’ouest. (...)

L’Euphrate contrôlée

Les autorités et habitants du nord-est syrien, le Rojava, accusent la Turquie de faire de la rétention avec leurs barrages construits en amont, dans le cadre de leur guerre contre les Forces démocratiques syriennes (FDS), à majorité kurde.

« La Turquie retient beaucoup l’eau de l’Euphrate. D’une part pour sa propre agriculture, qui souffre aussi de la sécheresse, mais aussi pour essayer d’étouffer l’économie agricole dans les parties de la Syrie contrôlées par les Kurdes », explique Peter Schwartzstein, journaliste et chercheur au Centre pour la sécurité et le climat.

« On se sent comme des pions dans un jeu politique. On a peur, on vit sous les bombardements et les menaces des forces proturques, qui peuvent nous tirer dessus depuis l’autre côté de la rivière », témoigne Armanj. L’Armée nationale syrienne (ANS), une milice affiliée à Ankara, la capitale turque, a pris le contrôle de la rive ouest de l’Euphrate fin décembre lors d’une offensive surprise contre les FDS à Manbij, plus à l’ouest. (...)

Depuis treize ans, la guerre civile syrienne a considérablement affecté cette vaste plaine agricole, le grenier du Moyen-Orient et lieu de naissance de l’agriculture dans le Croissant fertile, il y a plus de 10 000 ans. « À cause des substances toxiques causées par les bombardements et les munitions, je vois comment la nature change, les plantes faiblissent et les rendements diminuent », soupire Najah Hussein Abroush, agricultrice à Boraz. (...)

Comme les stations de pompage d’eau sur les berges de l’Euphrate ont été bombardées pendant la guerre, Najah doit utiliser l’eau saline des puits souterrains. Et en raison des combats récents aux abords de l’Euphrate, la région est assiégée et elle ne peut plus acheter de semences ou de matériel à l’extérieur.

À l’unisson avec les autres agriculteurs interrogés à Boraz, elle peint l’image d’un paradis terrestre déchu, poussant nombre d’habitants à abandonner leurs champs et à fuir.
Kobané, ville martyre de nouveau assiégée

C’est que Kobané et sa périphérie ont été en première ligne de nombreuses batailles. Assiégée par l’État islamique (EI) entre septembre 2014 et janvier 2015, la ville porte toujours les stigmates de cette bataille féroce, durant laquelles des centaines de soldats et habitants kurdes sont morts. Afin de la reconstruire, d’importants projets immobiliers et environnementaux ont vu le jour, menés par l’Administration autonomique et démocratique du nord-est syrien (Daanes) et la société civile. (...)

Las, ces projets ont été mis en pause à cause des bombardements turcs. « Ils ont systématiquement attaqué nos infrastructures publiques, même quand nous ne faisions que planter de la verdure sur un rond-point », commente-t-il. (...)

Reporterre a pu visiter une pépinière municipale, dont le but est de fournir agriculteurs et espaces publics de plantes et de semences. Des avions de chasse et un drone turc passaient alors au-dessus de la ville, créant une sensation d’étouffement et de siège.

Pire encore : à cause d’une frappe turque sur le barrage hydroélectrique de Tichrine, situé à une heure de Kobané, toute la région a été plongée dans le noir depuis octobre 2023 — l’électricité était revenue quelques jours avant notre visite (...)

De nombreux générateurs restent en place malgré le retour de l’électricité, crachant une fumée noire toxique.De nombreux générateurs restent en place malgré le retour de l’électricité, crachant une fumée noire toxique. (...)

Le barrage de Tichrine, nerf de la guerre

Le barrage de Tichrine, tenu par les FDS depuis 2013, est devenu la dernière ligne de front de la guerre syrienne. Lors de l’offensive surprise de l’ANS, les troupes proturques ont été repoussées. Menacé d’une attaque aérienne, le barrage a vu affluer des centaines de civils kurdes venus protester. Des drones ont bombardé leur convoi en janvier dernier, tuant une vingtaine de personnes, un acte que Human Rights Watch qualifie de crime de guerre attribué à la Turquie. (...)

Depuis, un accord a été trouvé entre le nouveau gouvernement syrien d’Ahmed al-Charaa, l’ASN et les FDS, permettant aux civils de rentrer chez eux et de stationner des troupes gouvernementales et étasuniennes aux abords du barrage. De quoi stabiliser un peu la région. (...)

Les habitants de la région restent également méfiants, habitués aux sales coups du destin.