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Mediapart
À l’Assemblée, les discussions budgétaires foncent dans le mur
#AssembleeNAtionale #budget
Article mis en ligne le 30 octobre 2025
dernière modification le 29 octobre 2025

Après le vote d’un amendement de 26 milliards dans la partie recettes du PLF, les chances de voir le budget adopté s’amenuisent encore. Les négociations directes entre Olivier Faure et Sébastien Lecornu irritent de plus en plus les parlementaires, tant à gauche que dans le camp macroniste.

C’est un petit coup de théâtre. Et peut-être même un coup de grâce porté aux discussions budgétaires à l’Assemblée nationale, quatre jours à peine après le début de l’examen du projet de loi de finances (PLF) en séance publique. La scène s’est déroulée un peu avant 20 heures, mardi 28 octobre, avec l’arrivée d’un amendement porté par le député La France insoumise (LFI) Éric Coquerel, président de la commission des finances, sa collègue du groupe écologiste Clémentine Autain et le communiste Nicolas Sansu.

Inspirée des travaux de l’association Attac et de l’économiste Gabriel Zucman, la mesure proposée par les trois parlementaires vise à taxer les bénéfices des multinationales proportionnellement à leur activité effectivement réalisée en France, afin de lutter contre l’évasion fiscale. Avec ce dispositif, arguent-ils, entre 20 et 26 milliards de recettes pourraient être rapatriés dans les caisses de l’État. Une manne en ces temps de disette budgétaire.

Les débats s’échauffent rapidement. « Je crains que cet amendement soit contraire à une directive européenne fixant [le taux d’imposition] à 15 % et non 25 % », prévient le rapporteur général du budget, Philippe Juvin, issu du parti Les Républicains (LR). « C’est compatible avec la législation française et internationale, avance au contraire l’Insoumis Manuel Bompard. Si vous vous y opposez, c’est alors que vous êtes d’accord avec l’évasion fiscale ! » (...)

Les députés passent au vote. Surprise : ceux du Rassemblement national (RN), qui s’étaient abstenus en commission – « un raté », jure Jean-Philippe Tanguy auprès de Mediapart –, se prononcent cette fois en faveur de l’amendement, joignant leurs voix à celles de l’ensemble de la gauche – y compris du Parti socialiste (PS). Le résultat est sans appel : 207 voix pour, 89 contre. L’amendement est adopté. Et les macronistes s’étranglent.

« Nous venons littéralement d’assommer l’économie de notre pays ! », lance le député Ensemble pour la République (EPR) Pierre Cazeneuve, rouge de colère. « Je m’étonne que des groupes parlementaires qui ont vocation à gouverner la France puissent tirer une balle dans le pied des entreprises françaises en ne respectant pas 125 conventions internationales ! Bravo à Marine Le Pen ! On vivra pauvres, on vivra seuls, mais au moins on aura voté un bel amendement, bravo ! », enrage le ministre de l’économie, Roland Lescure, d’ordinaire si flegmatique, provoquant un petit tumulte sur les bancs.

À ce moment-là, tout le monde comprend ce qui est en train de se passer. Car, avec le vote de cet amendement à 26 milliards, la copie budgétaire qui ressortira du Palais-Bourbon sera tout simplement invotable par les macronistes. En quelques minutes, les espoirs des socialistes d’aboutir à un consensus avec Sébastien Lecornu ont été réduits à peau de chagrin par l’action conjuguée de leurs partenaires de gauche et de l’extrême droite. « Ce soir, la preuve est faite qu’il n’y a pas d’échappatoire pour ce budget que personne ne votera et qui sera battu », résume Éric Coquerel.

Un vent de fronde (...)

. « Entre les débats qui traînent et l’éléphant dans la pièce qui est le passage par ordonnances, on est en train d’enterrer le budget », estime le député Libertés, indépendants, outre-mer et territoires (Liot) Harold Huwart, lassé du spectacle donné par ce « théâtre » parlementaire. « En dépit des négociations parallèles entre le PS et le gouvernement, le rythme des débats nous fait penser qu’on va tout droit vers les ordonnances », abonde l’Insoumise Claire Lejeune.

Au regard des nombreux amendements restant à examiner – plus de 2 700 –, tout le monde a compris qu’à ce rythme, la copie finale du PLF ne pourrait être examinée dans les délais. Mardi soir, après le vote de l’amendement aux 26 milliards, une écologiste se faisait plus catégorique encore : « On passe nos jours et nos nuits à l’Assemblée pour voter un budget qui sera de toute façon mis à la poubelle à la fin », indiquait-elle, priant pour que le PS fasse désormais cesser le supplice. Et appuie sur le bouton de la censure dans les prochains jours.