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Frustration magazine
À l’hôpital, sortons de la résilience et allons vers la révolte
#hopitalpublic #revolte #solidarites
Article mis en ligne le 13 août 2025
dernière modification le 10 août 2025

Vos Frustrations est une rubrique permettant aux lectrices et lecteurs de partager leurs « frustrations », colères, témoignages ou analyses. Aujourd’hui une cadre hospitalière nous livre son témoignage. Elle a souhaité conserver son anonymat.

Arrêter de faire mon métier de cadre de santé, d’accompagner les équipes, les patients, les résidents et leurs familles, parce que je crois encore trop à l’hôpital public ? aux valeurs des soignants ? à la qualité et la sécurité des soins ? à la possibilité que les agents puissent travailler et accompagner leurs patients dans de bonnes conditions ? au plaisir à venir travailler ? Oui, je dois probablement m’arrêter pour prendre soin de moi, parce que les valeurs que je prône, aussi simples soient-elles, de prendre soin dans la dignité et le respect, semblent en inadéquation avec les injonctions des directions. Il faudrait être résilient. Les différents directeurs et collègues que je peux côtoyer dans mon exercice ou dans mon réseau personnel et professionnel me diront : « On ne peut pas changer une défaillance étatique. » (...)

Doit-on fermer les yeux sur ce qu’il se passe dans nos hôpitaux ? Quel est l’état de santé mentale de ces professionnels qui prennent soin des plus fragiles ? Et qui prend soin de ces professionnels ? Personne. (...)

À l’hôpital, nous accueillons des patients qui ne peuvent pas être pris en charge ailleurs qu’à l’hôpital public, on les appelle d’ailleurs les « bed blockers ». Ces patients augmentent la durée moyenne de séjour et ne sont plus rentables. Le virage domiciliaire amène ces patients à être admis à l’hôpital quand le maintien à domicile devient impossible (...)

ils demandent de nombreux soins et une surveillance accrue. Comment accompagner correctement tous ces patients, avec les ratios que les directions hospitalières nous imposent de mettre en place ? Que faire de ces personnes pour répondre aux objectifs financiers des hôpitaux ? (...)

Sur ce même temps, les directions hospitalières, guidées par les critères HAS, nous donnent l’injonction de mettre en place toujours plus de critères de qualité et de sécurité des soins. Oui, il est primordial de manager par la qualité, mais comment mener à bien ces missions quand, en tant que cadre de santé, vous avez plusieurs services à votre charge, avec 60 à 80 agents sous votre responsabilité ? Vous gérez l’urgence et devez faire des choix d’axes de travail, avec pour conséquence de sacrifier la qualité et la sécurité des soins.

Un écart entre l’apparence et la réalité se creuse

Il advient un moment où cet écart ne peut plus être comblé. L’impact se fait ressentir sur les patients et les soignants. La seule manière de protéger sa santé mentale en tant que professionnel de santé, c’est d’être résilient, « tu ne peux pas sauver tout le monde ». Et si, comme moi, tu n’arrives pas à être résiliente, tu prends le chemin du burn out, alors tu t’arrêtes et le système a gagné ; au bout du compte tu te tais, muselé par toi-même parce que tu t’éteins à petit feu et un jour tu t’éteins complètement. (...)

Finalement, aujourd’hui, je décide de combattre tout ça, de dénoncer ces managements toxiques, ces décisions de gestion du système de santé français. Aujourd’hui, nous n’avançons pas, nous reculons sur la qualité des soins. Nous essuyons les plâtres de nombreuses années de mauvaise gestion hospitalière. (...)

On fait face à des négligences de soins par manque d’encadrement de soignants résilients et impuissants. Les erreurs médicales ne sont pas rares, engendrées par la fatigue et la lassitude de la situation. Dans la majorité des cas, ces conséquences sont étouffées et cachées aux usagers. (...)

Alors que fait-on ?

Depuis de longues années, de nombreux collectifs, syndicats, associations, fédérations dénoncent tout ça. Sont-ils réellement pris au sérieux ? Non. Non, parce que « ce sont encore ces foutus syndiqués qui nous cassent les pieds à râler et que ça fait partie du jeu ». (...)

Ce n’est pas comme la SNCF qui peut bloquer le pays. Les manifestations concernant la santé n’ont plus aucun impact !

Il faut taper plus fort, et ensemble

Et si ces grandes entreprises à travers le pays nous aidaient à faire bouger les choses ? Si le levier pour arriver à affronter les difficultés du système de santé, c’était finalement de s’entraider ? Et si la SNCF et les grandes entreprises privées bloquaient le pays quelques jours pour défendre le système de santé ? Nous, soignants, pourrions continuer à soigner pendant que vous, soignés et proches de soignés, pourriez nous aider réellement. (...)

Bloquer l’économie du pays avec une seule revendication : une fin de la résilience hospitalière et de vrais moyens pour soigner dans un équilibre financier juste entre besoins et demandes !

Arrêtons de négliger la santé des Français, arrêtons cette résilience individuelle face à une dictature camouflée, relevons-nous, réunissons-nous pour nous sauver collectivement. (...)

Alors pour aider dans cette démarche, partagez cet écrit, partagez partout, à vos parlementaires, aux médias, sur les réseaux sociaux, sur vos lieux de travail. Ce qu’il se passe sur le terrain ne doit plus être cautionné par nos dirigeants qui ferment les yeux sur des situations pourtant bien connues afin d’atteindre leurs objectifs individuels.