Depuis la prise d’El-Fasher par les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) le 26 octobre, le Tchad voit arriver chaque semaine des centaines de réfugiés soudanais. Accueillis dans des zones frontalières, les organisations humanitaires tentent de prendre en charge cette population traumatisée par des années de guerre. Reportage.
Depuis avril 2023 se déroule au Soudan l’un des conflits les plus meurtriers, à l’origine de "la plus grande crise humanitaire au monde" selon l’ONU. D’après des témoins ayant fui El-Fasher, la capitale du du Darfour-Nord est le lieu de massacres, violences à caractère ethnique, viols et agressions sexuelles depuis qu’elle est tombée entre les mains des paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdan Dogolo "Hemedti", le 26 octobre dernier.
Plusieurs organisations humanitaires font état de crime de guerre, de crimes contre l’humanité, les Nations unies parlent d’une "spirale d’atrocité". Après un siège de 18 mois, après la faim, la soif, la violence et la peur, certains Soudanais ont réussi à quitter El-Fasher pour se réfugier au Tchad voisin. Le Tchad et le Soudan sont séparés par un wadi, un oued sec, depuis la fin de la saison des pluies. De part et d’autre de cette frontière se trouvent deux villes : Tina, au Soudan, et Tiné, au Tchad. C’est là que les réfugiés soudanais traversent à pied, en charrette ou à l’arrière de camionnettes.
La frontière est gardée par des militaires tchadiens, mais aucune entrave n’a lieu au passage des réfugiés qui traversent tous librement. "Voilà les nouvelles familles qui viennent d’arriver. Elles sont orientées pour faire le circuit : d’abord l’enregistrement des réfugiés avec la Commission nationale d’accueil de réinsertion des réfugiés et des rapatriés du Tchad (Cenar), après avoir obtenu les informations de la personne. Puis un screening médical se fait avec Médecins sans frontière (MSF) avant leur transfert vers le site de transit", explique Georges, membre de l’équipe du Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR).
Le visage fatigué, en partie dissimulé derrière son foulard bariolé, Souad Ibrahim Abdou s’installe à quelques mètres de la frontière, sous la cabane de MSF. Elle attend désormais d’être enregistrée. "On a laissé les enfants à Tawila [au Soudan, ndlr]. On remercie le seigneur d’être arrivé ici en bonne santé. Dieu merci, tout va bien. On nous a conseillé de venir ici, on nous a dit que la ville était bien. Le seul problème ici, c’est la nourriture. Aussi, il n’y a pas de travail", raconte-t-elle.
Une fois le premier enregistrement effectué, les réfugiés doivent se rendre par leurs propres moyens au site de transit à la sortie de la ville. Parmi les infrastructures sur place, des pompes à eau, mais peu de latrines. Et les températures chutent fortement le matin et le soir. (...)
"Il y a de plus en plus de vieillards blessés, de gens inaptes et beaucoup d’enfants non accompagnés. Ils avaient encore l’espoir en 2023 qu’ils peuvent défendre leur terre, résister. Maintenant, c’est le désespoir total", détaille Jean-Paul Habamungu, responsable du HCR à Iriba.