Lors des dernières vacances scolaires, Jonas Chevalier a passé chacune de ses pauses déjeuner sur le toit de l’école de ses enfants, dans le 3ᵉ arrondissement de Lyon. Certes, ce père de famille est représentant des parents d’élèves. Mais ce n’est pas à ce titre qu’il grimpait à l’échelle pour se hisser ensuite par une trappe jusqu’au toit-terrasse du bâtiment. Bénévole à la coopérative Un, deux, toits, soleil, il venait suivre le chantier d’installation de 79 panneaux solaires sur l’école maternelle Harmonie-Rebatel.
L’installation sera raccordée au réseau électrique et opérationnelle début 2026. Une convention d’occupation temporaire lie la coopérative à la Ville de Lyon, propriétaire du bâti, et donc du toit. Au terme de trente ans, l’installation sera léguée à la collectivité, « en état de fonctionnement ». (...)
Un, deux, toits, soleil est une coopérative de type société par actions simplifiées. Son fonctionnement se calque sur celui des centrales villageoises. « Lors de notre création, en 2016, nous étions les premiers à adapter ce modèle à la grande ville, raconte Daniel Tain, membre fondateur et actuel président. Et dans un tissu urbain dense, l’énergie renouvelable la moins compliquée à mettre en œuvre, c’est le photovoltaïque. »
« Si on peut, on s’alignera sur le rendement du Livret A »
Le principe ? Des citoyens, désireux d’agir localement contre le bouleversement climatique, acquièrent des parts sociales de l’entreprise. Avec ces fonds, auxquels s’ajoutent des emprunts bancaires, la société finance l’achat et la pose de panneaux solaires. L’électricité produite est revendue à un fournisseur d’énergie.
Les bénéfices de cette vente servent à rembourser les emprunts, à organiser des actions de sensibilisation et de pédagogie, et — selon le choix de l’assemblée générale — sont pour partie redistribués en dividendes aux citoyens investisseurs (...)
« Nos dix premiers toits étaient déjà des écoles primaires », explique le cofondateur Daniel Tain. En 2020, l’élection d’équipes écologistes à la tête de la ville comme de la métropole de Lyon — qui a sur son territoire les prérogatives d’un département —, a donné un coup de fouet à cet effort citoyen.
Ces nouveaux élus ont annoncé vouloir « atteindre une production d’électricité solaire photovoltaïque de 245 GWh/an en 2026, contre 61 GWh/an en 2020 ». Il faut dire que le territoire bénéficie d’un ensoleillement propice. (...)
Les deux collectivités listent les bâtiments publics éligibles et, lorsque les conditions techniques, financières et patrimoniales sont réunies, font appel à des prestataires classiques pour solariser centres techniques, stations d’épuration et autres. Mais elles choisissent délibérément de réserver les établissements scolaires aux collectifs citoyens.
Une approche « pédagogique » (...)
« Produire de l’électricité au-dessus des salles de classe, poursuit-il, c’est une occasion pédagogique pour les enseignants et toute la communauté éducative de s’emparer de ces thématiques. » En 2022, la ville a donc identifié douze toitures d’écoles (dont certaines ont finalement depuis été écartées pour des raisons techniques).
Elle a ensuite passé un « appel à manifestation d’intérêts » pour les solariser. La métropole a fait de même avec six collèges. (...)
À la fin de l’année 2025, la coopérative devrait produire 1 million de kWh annuels, soit la consommation de 1 000 habitants. Une prochaine étape s’esquisse déjà, malgré les obstacles administratifs et réglementaires : l’autoconsommation collective, notamment avec le Crous, pour alimenter une résidence étudiante.
Au vu du bassin de population, cela semble dérisoire… Mais avec des citoyens aux manettes, les retombées sont aussi ailleurs. La coopérative a ainsi décidé de se fournir en panneaux fabriqués en France par Voltec, une entreprise installée dans le Bas-Rhin, malgré le surcoût, et de les faire poser par des entreprises locales, sélectionnées aussi pour leurs pratiques sociales. (...)
En grimpant sur les toits des écoles, Un, deux, toits, soleil a trouvé un modèle à la fois technique, social et symbolique, capable de faire grandir l’énergie citoyenne à Lyon. Porter le nom d’une comptine enfantine était-il prémonitoire ?