Le spectacle « Murmures de la cité », qui se jouera à Moulins en juillet, a obtenu le soutien financier du milliardaire ultraconservateur, mais aussi de plusieurs collectivités locales. Son programme et les liens de ses organisateurs avec des structures de l’extrême droite catholique traditionaliste font polémique.
MoulinsMoulins (Allier).– « Ce projet est né d’une envie de rendre hommage à l’héritage du Bourbonnais, sans autre objectif que culturel. » Guillaume Senet l’assure à Mediapart : il n’y a pas de « complot politique » derrière « Murmures de la cité », le spectacle qu’il a cocréé, « juste de l’art et la promotion d’une histoire, d’un folklore ». C’est aussi ce qui a convaincu les collectivités locales du Bourbonnais de délier les cordons des subventions pour financer cette œuvre collective, « créé[e] avec passion par plus de deux cents familles du territoire, dévouées à la préservation du patrimoine et à la mise en valeur de nos traditions », selon le site internet de l’événement.
Programmé du 11 au 13 juillet sur l’une des plus belles places de la ville de Moulins, ce spectacle réunira près de trois cents figurant·es en costume, chargés de retracer les grandes heures de l’histoire de France, sur fond de mapping 3D et de « composition musicale envoûtante ». Le tout dans une filiation assumée avec les spectacles du Puy-du-Fou de Philippe de Villiers.
Clovis et sa conversion au christianisme, les monastères clunisiens et leur rôle dans l’organisation de l’Occident, Jeanne d’Arc bien sûr, quelques rois et ministres royaux illustres, Napoléon… Autant de figures qui seront convoquées pour dépeindre la France « comme un pays éternel, guidé par la Providence, qui survit aux tourments, se réinvente et se projette dans un avenir toujours plus lumineux », peut-on lire sur le site de l’office du tourisme de Moulins. (...)
L’annonce de ce programme a rapidement fait bondir le monde enseignant. « Cette histoire-spectacle cultive non un savoir historique, mais un “roman national” idéologiquement orienté, commente Vincent Présumey, professeur d’histoire-géographie en lycée à Moulins, sur le site de la Fédération syndicale unitaire (FSU) de l’Allier. L’orientation est politico-religieuse. »
Mais c’est surtout le nom d’un des sponsors de l’événement qui a suscité les réactions les plus vives. Le Fonds du bien commun (FBC), créé en 2021 par le milliardaire ultraconservateur Pierre-Édouard Stérin pour soutenir des « projets à impact sociétal fort » – essentiellement portés par des structures issues de la droite catholique réactionnaire –, figure en effet dans la liste des partenaires du spectacle. Guillaume Senet confirme un don du FBC, sans en préciser le montant. Il précise n’avoir « jamais rencontré M. Stérin ».
D’autres initiatives partout en France
Le milliardaire qui veut « continuer à faire de l’argent pour sauver le Christ et la France », comme il l’a récemment confié au Figaro Magazine, apprécie l’histoire à grand spectacle, puisqu’il finance aussi, à travers le fonds Otium Capital, la Cité immersive viking de Rouen (Seine-Maritime). Otium, qui gère également le stade Aguilera à Biarritz (Pyrénées-Atlantiques), envisagerait par ailleurs d’utiliser l’arène hors périodes de matchs pour « des expériences immersives retraçant l’histoire de France », rapporte Sud Ouest. Sollicité par Mediapart, Pierre-Édouard Stérin n’a pas répondu.
Assumant vouloir mener une bataille culturelle, le milliardaire a aussi largement financé le projet Excellence Ruralités, qui vise à ouvrir des écoles privées hors contrat pour porter ce combat dans des zones rurales où l’Éducation nationale est à la peine. (...)
Dans un entretien accordé en 2022 à la revue d’extrême droite Éléments, le président de Sophia Polis – qui se fait aussi appeler Guillaume Poliste – évoquait une filiation directe entre son association et Academia Christiana, une organisation identitaire et catholique traditionaliste que Gérald Darmanin, alors ministre de l’intérieur, avait annoncé vouloir dissoudre, en décembre 2023, en raison de ses « appels à la haine et à la discrimination ». (...)
Si Guillaume Senet affirme que Sophia Polis n’a « aucun rapport avec “Murmures” » et que Guillaume Poliste parle de « deux projets distincts, sans lien », d’autres ont cependant noté que « le président de l’un [est] également le président de l’autre, sous un nom différent », pour reprendre les mots du député communiste Yannick Monnet. L’élu a récemment dénoncé dans un communiqué le financement public accordé à « Murmures de la cité » « aux côtés de celui de Pierre-Édouard Stérin dont le projet Périclès, qui ambitionne l’arrivée de l’extrême droite française au pouvoir, a cessé d’être secret ». (...)