
Des députés Ensemble pour la République ont, comme le RN, rejeté une résolution visant à suspendre l’accord commercial entre l’UE et Israël, s’opposant au passage à l’application du mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale contre Nétanyahou. Un vote qui a créé le malaise au sein même des rangs macronistes.
La séance, dans la salle de la commission des affaires européennes, est passée presque inaperçue. Mercredi 2 juillet, un petit événement a pourtant eu lieu à l’Assemblée nationale. Pour la première fois depuis le 7-Octobre, les députés étaient ainsi appelés à se prononcer sur l’action de la diplomatie française vis-à-vis d’Israël. (...)
Deux propositions de résolutions européennes (non contraignantes), l’une portée par la députée La France insoumise (LFI) Clémence Guetté, l’autre par Sabrina Sebaihi (Les Écologistes), étaient cette fois soumises au scrutin des parlementaires.
Malgré une écriture différente, les deux textes appelaient les députés à se prononcer sur un article unique visant à l’arrêt des « accords d’association » signés en 1995 entre l’Union européenne et Israël pour faciliter les échanges commerciaux. Des accords aujourd’hui remis en cause par la cheffe de la diplomatie européenne au vu de la guerre génocidaire menée par Benyamin Nétanyahou à Gaza.
L’objectif de la discussion était de prendre le pouls de la représentation nationale, alors même que le Conseil européen des affaires étrangères doit se prononcer, le 15 juillet, sur l’éventuelle suspension de l’accord. (...)
Si la France n’a pas officiellement exprimé la position qu’elle défendra, l’exécutif a ouvert la porte à une révision, Emmanuel Macron estimant, au printemps, qu’on ne pouvait plus « rester sans rien faire ». « J’appelle la Commission européenne à examiner cet accord et à montrer si Israël respecte ses obligations. Une fois qu’il est établi qu’une violation est manifeste, il existe une possibilité de suspension », expliquait aussi, le 20 mai, le ministre des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot.
Mercredi, les députés macronistes présents en commission ont tranché le flou entretenu par le gouvernement. Et, à l’unisson avec le Rassemblement national (RN), ils ont rejeté les deux textes portés par la gauche. (...)
Les macronistes et le RN contre le droit international
Plus étonnant, les députés macronistes se sont aussi opposés à la proposition de résolution de « suspension » de l’accord portée par Sabrina Sebaihi. Le texte des Verts avait pourtant été rédigé pour être plus consensuel que celui de LFI. Au point que deux députées apparentées EPR, Éléonore Caroit et Amélia Lakrafi, avaient apposé leur signature au moment du dépôt du texte.
Las, Sabrina Sebaihi a eu beau rappeler qu’il avait fallu, « à juste titre », seulement quatre jours pour sanctionner la Russie après l’invasion de l’Ukraine, rien n’y a fait. (...)
Pendant les trois heures de débat, l’ambiance s’est parfois tendue dans la salle de la commission des affaires européennes à l’atmosphère d’ordinaire si feutrée. Par exemple lorsque Caroline Yadan a refusé, à grand renfort d’arguties juridiques, d’employer le terme de colonisation au motif que l’instauration de l’État d’Israël participait d’un « mouvement d’émancipation ».
« Venir nous donner des leçons d’interprétation de la Cour de justice internationale alors que vous niez le travail des Nations unies, de toutes les ONG les plus crédibles, ce n’est pas possible ! », s’est emportée la députée insoumise Gabrielle Cathala. « On ne peut pas soutenir ce que dit Mme Yadan. Vous ne pouvez pas assimiler toute la colonisation israélienne au sionisme ! Vous ne pouvez pas nier la colonisation israélienne et l’établissement de colonies en dehors des frontières, tout cela est parfaitement établi », s’est insurgé Philippe Brun. (...)
Au lendemain de l’examen du texte, plusieurs députés macronistes reconnaissaient en tout cas avoir été gênés par la tournure prise par la séance. (...)
D’autant que lors de la séance, un point a créé un intense malaise. En cause : l’amendement porté par le socialiste Philippe Brun pour « appel[er] les États membres de l’Union européenne » à appliquer les mandats d’arrêt délivrés par la Cour pénale internationale (CPI), contre le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, et son ministre de la défense, Yoav Gallant.
Or, là encore à l’unisson avec le RN, les députés EPR Antoine Armand, Emmanuelle Hoffman, Sylvain Maillard, Charles Rodwell et Caroline Yadan ont voté contre – deux de leurs collègues, Céline Calvez (EPR) et Laurent Croizier (MoDem) se sont abstenus.
Mercredi matin, lors d’une audition devant la même commission des affaires européennes, Jean-Noël Barrot, interrogé sur l’utilisation de l’espace aérien français par le premier ministre israélien qui se rendra à Washington le 7 juillet, a défendu une ligne similaire. « Il n’y a aucune obligation d’interdire notre espace aérien ni d’y procéder à l’interpellation d’un individu sous mandat international », a-t-il annoncé devant les députés.
Un choix « particulièrement inquiétant », commentait Philippe Brun au sortir de la séance, mercredi soir. Sabrina Sebaihi, elle, s’étranglait : « On nage en plein délire ! Qui sont ces gens qui disent qu’il ne faut plus respecter le droit international ? » Sous couvert d’anonymat, un parlementaire macroniste confie lui aussi sa consternation. (...)
Une offensive pro-Israël (...)
Depuis son élection l’an dernier contre Meyer Habib, Caroline Yadan, qui s’était montrée relativement discrète entre 2022 et 2024 (elle siégeait alors au titre de suppléante de Stanislas Guerini, nommé ministre), a pris une importance croissante au sein du groupe EPR. Elle s’est ainsi illustrée par ses interventions fréquentes et vindicatives – notamment contre LFI qu’elle accuse régulièrement d’être antisémite en plein hémicycle –, portant dans leur quasi-totalité sur la situation au Proche-Orient ou sur l’antisémitisme. Mercredi, elle a également été élue vice-présidente de la commission d’enquête de Laurent Wauquiez sur les liens entre politiques et réseaux terroristes ou islamistes.
Le 28 mars, c’est encore elle qui prenait l’initiative d’une lettre, signée par 41 députés Renaissance, à destination de Jean-Noël Barrot, pour l’exhorter à s’opposer, « au nom de la France, au renouvellement du mandat de Francesca Albanese en tant que rapporteur spécial pour les territoires palestiniens, au sein du Conseil des droits de l’homme des Nations unies ».