
Les zones humides sont au cœur d’un bras de fer règlementaire entre scientifiques et syndicats agricoles. La FNSEA a mené un lobbying intense afin d’amoindrir leur protection. Marais, tourbières... ont pourtant un rôle essentiel.
Marais asséchés, prairies labourées, tourbières retournées : un carnage se profile silencieusement dans nos zones humides. Le fruit d’une bataille menée depuis quelques années par la FNSEA. (...)
Pour le syndicat agricole majoritaire, l’affaire est simple : oui aux zones humides, tant qu’elles n’empiètent pas sur la productivité. Dans sa contribution au Plan national d’adaptation au changement climatique, l’organisation résumait ainsi son programme : il s’agit de « se concentrer sur les zones humides avec des enjeux écosystémiques forts ». Sous-entendu : d’accord pour protéger la Camargue, mais pas n’importe quel marigot ! (...)
« Pour la FNSEA, la zone humide est une contrainte, regrette Alexis Guilpart, de France Nature Environnement. On ne peut pas drainer, remblayer, retourner, labourer comme on veut. » Malgré leur rôle essentiel d’éponge — retenant les grosses averses et restituant l’eau lors de périodes plus sèches — les marais sont devenus des boucs émissaires du ras-le-bol agricole. Le syndicat majoritaire a ainsi mené un lobbying intense afin d’amoindrir leur protection. Récit d’une offensive en trois actes. (...)
Des zones humides sur 6 % de la France
C’est que depuis quelques années, des agents de l’État et des collectivités, avec l’appui de chercheurs, se sont attachés à identifier ces biotopes si précieux. Un travail de fourmi, toujours en cours : « 64 % de l’Hexagone est désormais couvert avec des inventaires, précise Guillaume Gayet, de l’Office français de la biodiversité. Et ceux-ci ont permis d’identifier des zones humides sur 6 % du territoire. »
La logique aurait voulu que l’exécutif se base sur ce patient travail de terrain pour déterminer les zones BCAE 2. Mais 6 % du territoire, c’était bien trop pour le syndicat agricole ! « La FNSEA a exercé une très forte pression pour que le référentiel retenu soit très moins-disant », résume Alexis Guilpart. In fine, en juillet dernier, le gouvernement a opté pour une cartographie fondée sur… les sites Ramsar.
Kézako ? « Ramsar est une convention internationale de préservation des zones humides, précise Bastien Coïc, directeur de l’association française du même nom. En France, c’est avant tout un label qui reconnaît la bonne protection et gestion d’un site. » Une appellation importante donc, mais loin de couvrir l’ensemble des milieux humides hexagonaux. (...)
Plus de 50 % de ces espaces aqueux ont disparu en France depuis 1960, aggravant les sécheresses et inondations.
Bataille sémantique
Ce n’est pas tout. Dernière bataille en cours, et non des moindres, autour de la définition même des zones humides (...)
Des « amortisseurs climatiques » (...)