
À la fin des années 1990, une première enquête pour des viols dans l’institution religieuse a capoté après la libération de l’ancien directeur. Le gendarme chargé des investigations à l’époque, qui a témoigné d’une possible intervention de François Bayrou dans l’affaire, dit à Mediapart souhaiter l’ouverture d’une procédure pour éclaircir ces faits.
roisTrois décennies après les faits, l’affaire Carricart, du nom de cet ancien directeur de Notre-Dame-de-Bétharram accusé de viols, rejaillit avec plus de force que jamais. Aujourd’hui à la retraite, le gendarme Alain Hontangs était chargé des investigations visant cet ecclésiastique. Rapidement remis en liberté avant d’être exfiltré à Rome, ce dernier s’est suicidé en 2000 avant d’être jugé. Alain Hontangs souhaite que toute la lumière soit faite sur cet épisode.
Dans l’émission « Sept à huit » sur TF1, l’ex-militaire a témoigné, le 16 février, d’une possible intervention de François Bayrou auprès du procureur général de l’époque pendant l’enquête judiciaire – ce que conteste l’actuel premier ministre. Ce dernier était à l’époque président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques et venait de quitter le ministère de l’éducation nationale. Plusieurs de ses enfants étaient scolarisés à Notre-Dame-de-Bétharram, où enseignait aussi son épouse, Élisabeth Bayrou, laquelle participera en 2000 aux obsèques du père Carricart.
Dans un entretien à Mediapart, Alain Hontangs réitère ses déclarations et réclame l’ouverture d’une enquête administrative sur le traitement de l’affaire, en insistant sur ses conséquences au regard du nombre de dénonciations actuelles. (...)
Alain Hontangs : Oui, c’est ce qui m’a été dit à l’époque. Vous pouvez interviewer n’importe quel officier de police judiciaire en France : rares sont ceux qui vont vous dire que lors d’une présentation d’une personne gardée à vue, on vous dit que le procureur général veut voir le dossier. J’en ai un souvenir précis. La procédure, c’est moi qui l’avais. Et je l’amenais au tribunal de grande instance de Pau en même temps que je conduisais Carricart. (...)
Un avocat ayant défendu des victimes de Notre-Dame-de-Bétharram, Jean-François Blanco, a justement réclamé l’ouverture d’une procédure. Y êtes-vous favorable ?
Je l’espère, car je pense qu’il est important de remonter sur les conditions de traitement de cette affaire pour qu’il y ait une clarté dans tout ça. Il y a des personnes qui pourraient corroborer mes propos, à 100 %.
Qui ?
Je réserve mes explications à l’enquête.
Avez-vous été contacté, depuis votre témoignage du 16 février, par les autorités judiciaires, ou même par la gendarmerie ?
Non, mais il faut le temps que la machine se mette en route. (...)
On se met à la place d’une victime qui lit dans le journal que l’auteur d’un viol est remis en liberté sous contrôle judiciaire dix jours [treize jours – ndlr] seulement après son placement sous mandat de dépôt. Les victimes se disent : « Est-ce qu’on ne va pas me croire ? » D’après ce que je lis aujourd’hui, c’est ce que beaucoup rapportent. Elles se disent : « On ne me croit pas dans ma famille, et la justice ne va jamais me croire. » Ces victimes-là ne se sont pas manifestées à l’époque, et on a pris vingt ans de retard.
Lire aussi :
– (France24/video 1’05)
Violences sexuelles : 40 plaintes supplémentaires dans l’affaire Bétharram
Nouvelles plaintes, nouveaux témoignages : l’affaire des violences physiques et sexuelles à Notre-Dame-de-Bétharram libère la parole pour dénoncer des dérives dans l’enseignement catholique, même si certains font toujours état de difficultés à remonter les faits face à la volonté de ne "pas faire de vagues".