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Mediapart
Affaire « Souleyman » : trois policiers de la Brav-M condamnés pour violences et menaces
#violencespolicieres #BravM #discriminations #racisme
Article mis en ligne le 13 juillet 2025
dernière modification le 11 juillet 2025

Le tribunal de Bobigny est allé au-delà des réquisitions du parquet, jeudi 10 juillet, en qualifiant de « violences verbales » certains propos tenus par les policiers contre cet étudiant tchadien de 23 ans. Les peines vont d’une simple amende à un an de prison avec sursis.

(...) Jeudi 10 juillet, le tribunal de Bobigny rendait son jugement dans l’affaire « Souleyman », du nom de cet étudiant tchadien de 23 ans frappé et humilié lors de son arrestation par la Brav-M, unité de police mobile, le 21 mars 2023, dans le centre de Paris, en plein mouvement contre la réforme des retraites.

Dans un enregistrement sonore révélé par le média Loopsider, on entendait des fonctionnaires menacer Souleyman de le faire rentrer « en ambulance », multiplier les remarques sur ses origines et les allusions sexuelles, mais aussi se vanter de pouvoir se « venger sur d’autres » manifestants. Une jeune femme prénommée Salomé, également arrêtée ce soir-là, avait de son côté dénoncé une agression sexuelle lors de sa palpation, ainsi que des propos à connotations sexiste et antisémite. (...)

Sept des dix prévenus sont relaxés. Le tribunal, revendiquant une décision « au cas par cas », a estimé qu’il n’avait « aucun élément » pour condamner ces policiers poursuivis à la seule initiative des parties civiles et que les propos de l’un d’entre eux envers Souleyman, effectivement « déplacés », ne constituaient pas pour autant une infraction pénale. Il a également estimé « impossible », en l’état, de condamner quiconque pour les faits rapportés par Salomé.
« Vous n’êtes pas au-dessus des lois »

Pour les trois policiers condamnés, en revanche, les juges sont allés au-delà des réquisitions formulées par le parquet lors du procès qui s’est tenu le 3 avril et le 12 juin, à la fois dans les infractions retenues et les peines prononcées. Le président du tribunal, Youssef Badr, a motivé cette décision inhabituelle par la « gravité des faits » reprochés à ces fonctionnaires, « totalement incompatibles avec [leurs] fonctions » et « de nature à porter le discrédit sur une profession qui ne mérite pas ça ».

« Vous avez la possibilité d’arrêter des personnes, de les priver de liberté, vous portez des armes, vous devez être irréprochables », a répété le magistrat aux prévenus, avant de réaffirmer la position du tribunal : « Si ces peines peuvent vous paraître difficiles à encaisser, elles sont là pour vous rappeler que vous n’êtes pas au-dessus des lois. »

Pierre L., le fonctionnaire de 27 ans qui a frappé Souleyman au visage « à deux reprises », est condamné pour ces faits à un an de prison avec sursis, deux ans d’interdiction professionnelle et 450 euros d’amende pour les menaces ayant accompagné ces violences.

Le tribunal a écarté ses explications sur l’attitude prétendument « provocatrice » de la victime, qui « a pu répondre lors du contrôle mais ne s’est jamais montré[e] insultant[e] ni désinvolte, encore moins menaçant[e] ». Sur le plan disciplinaire, Pierre L. a déjà été sanctionné de trois jours d’exclusion.
Des violences verbales avérées

En ce qui concerne les deux autres policiers condamnés, le tribunal a pris le parti de qualifier leurs propos de « violences verbales (n’ayant entraîné aucune interruption totale de travail) », susceptibles de provoquer « un choc émotif » sur la victime, alors en état d’arrestation et encerclée, plutôt que de les traiter comme de simples menaces.

Thomas C., 29 ans, s’était notamment adressé à Souleyman en ces termes : « T’as bandé vers l’intérieur », « T’avais plus de bite », « Si tu veux, je te prends tout seul » ou encore « Je t’aurais bien pété les jambes ». Aux yeux du tribunal, « la virulence, la répétition et la longueur des propos réitérés par le fonctionnaire de police à l’endroit d’un jeune interpellé, privé de sa liberté d’aller et venir », constituent bien des violences qui méritent huit mois de prison avec sursis, ainsi qu’un an d’interdiction professionnelle et 450 euros d’amende.

Quant à Théo R., qui n’avait pas été poursuivi par le parquet mais comparaissait sur citation directe des parties civiles, il est condamné à 2 000 euros d’amende pour des « violences verbales » de même nature. Ce policier avait prédit à Souleyman qu’il « prendr[ait] six mois et une OQTF [pour obligation de quitter le territoire – ndlr] », et promettait de le « retrouver » ultérieurement. (...)

Les trois condamnés doivent verser 1 000 euros chacun de dommages et intérêts à Souleyman. Ils ont dix jours pour faire appel. Deux des trois associations qui s’étaient constituées parties civiles aux côtés des victimes (SOS Racisme et le Mrap) ont été déboutées, puisque le tribunal n’a pas retenu la circonstance aggravante de racisme. La Ligue des droits de l’homme, elle, a obtenu le versement d’un euro symbolique. (...)