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Anatomie d’une chute  : le gouvernement français se discrédite en formant une coalition antiécologique européenne sur fond de fake news
#RoyaumeUni #airesmarinesprotegees #chalutage #lobbys
Article mis en ligne le 18 mai 2024
dernière modification le 16 mai 2024

Le gouvernement vient d’achever le mince crédit politique sur l’écologie qui lui restait sur la scène internationale en prenant la tête d’une coalition antiécologique européenne contre le Royaume-Uni sur fond de fake news fabriquées par les lobbies et colportées sans vérification par le ministre délégué à l’Europe Jean-Noël Barrot. BLOOM a fait le fact-checking.

Plus de doute sur qui est le patron de l’océan. Contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas l’État français qui est souverain dans ses eaux mais le lobby du chalut, défenseur de la méthode de pêche la plus destructrice pratiquée en Europe.

Lorsqu’en mars dernier, le Royaume-Uni a pris les premières mesures pour réellement protéger ses eaux en interdisant la pire technique de pêche, le chalutage de fond, dans une toute petite partie de ses aires marines dites «  protégées  » (et qui ne l’étaient pas jusque-là), le gouvernement français est monté au créneau à Bruxelles et a formé une coalition de huit États pour se battre contre la protection à ses yeux insupportable de l’environnement et du climat décrétée par nos voisins britanniques.

Cette cabale diplomatique, vouée à l’échec d’un point de vue juridique (le motif invoqué pour ouvrir un contentieux dans le cadre de l’Accord de commerce et de coopération du Brexit est fallacieux) répond à la dramatisation des enjeux montée en épingle par le lobby industriel de la pêche en France, sur la base de mensonges et de fake news que BLOOM a fact-checkés. Non, la décision britannique ne “sonne pas le glas” de la pêche française et européenne  ! BLOOM a calculé que seuls 67 navires français de plus de 15 mètres ont utilisé des engins de fonds traînants en 2023 dans les aires marines protégées britanniques sujettes à une interdiction, et n’y ont passé en moyenne que… 3,16% de leur temps de pêche.

Voilà dans quel type de tapis un gouvernement aux ordres d’un lobby de mauvaise foi peut se prendre les pieds (...)

Défilé de politiques contre la protection de l’océan et du climat

Le 22 mars 2024, le Royaume-Uni interdisait le chalutage de fond dans certaines zones au sein de treize aires marines protégées britanniques. Dans la foulée, les conseillers régionaux du RN, le président LR de la région Hauts-de-France Xavier Bertrand et le ministre délégué à l’Europe Jean-Noël Barrot montaient au créneau dénonçant des «  décisions arbitraires  » et «  discriminatoires  » qui «  sonneraient le glas  » de la «  filière halieutique française  ». Ce serait « la survie de toute une profession » qui serait en jeu, et qui appellerait à « des mesures de rétorsion », car « nous avons nos pêcheurs qui vont disparaître ». (...)

Mais, face à ce discours apocalyptique, quels sont les faits  ? Ces fermetures au chalutage de fond sont-elles réellement « infondées »  ? Sont-elles « discriminatoires »  ? Vont-elles « sonner le glas » de la pêche française  ? A toutes ces questions, la réponse est la même : non. Mais, dans le régime de post-vérité du gouvernement, de la droite et de l’extrême droite, seule semble compter la défense du statu quo et le refus de toute mesure de protection de l’océan.
Le gouvernement qualifie la protection de l’océan de «  décision arbitraire  » (...)

Rappelons donc tout d’abord que l’interdiction décrétée par le Royaume-Uni ne s’applique qu’aux techniques de pêche destructrices comme le chalutage de fond, et que dans certaines zones abritant des écosystèmes vulnérables (...)

Les zones désignées par le gouvernement britannique sont d’ailleurs extrêmement restreintes (...)
L’interdiction du chalutage de fond et des engins de pêche trainants s’applique à tous les navires, qu’ils soient britanniques, français, belges, néerlandais, allemands, danois, ou suédois.

Via la plateforme Global Fishing Watch, nous avons analysé pour l’année 2023 l’effort de pêche de tous les navires européens de plus de 15 mètres qui ont eu recours au chalutage de fond ou à la drague dans les treize aires marines protégées britanniques concernées1.

Loin d’être « discriminatoire », cette interdiction impacte à la fois les pêcheurs français, britanniques et néerlandais, et belges dans une moindre mesure. (...)

Le chantage à l’emploi du lobby du chalut

Au-delà des heures de pêche, le nombre de navires européens de plus de 15 mètres ayant opéré dans ces treize aires marines protégées est relativement restreint : 67 navires français, 60 navires britanniques, 50 néerlandais, 29 belges. (...)

sur les 206 navires potentiellement impactés, seuls 9 navires étaient dépendants en 2023 à plus de 10% de la pêche dans ces aires marines protégées, et seuls deux d’entre eux (un belge, un néerlandais) y sont dépendants à plus de 15%. Aucun navire français de plus de 15 mètres ne passe plus de 15% de son temps dans les aires protégées dans lesquelles des interdictions du chalutage de fond ont été édictées. (...)

Le gouvernement français et le Comité national des pêches perdent tout crédit

La mobilisation du gouvernement français et du Comité national des pêches pour torpiller la décision du Royaume-Uni relève donc bien de l’imposture. (...)

Alors qu’Emmanuel Macron avait lancé avec le Royaume-Uni la Coalition de la Haute Ambition pour la Nature et les Peuples lors du One Ocean Summit à Brest en févier 2022 pour que les États protègent 30% de leurs eaux, les manœuvres diplomatiques engagées aujourd’hui par la France contre le gouvernement britannique révèlent que le gouvernement est prêt à saper, à un an de l’accueil à Nice de la troisième conférence des Nations unies sur l’océan, la crédibilité de la parole diplomatique française pour contenter un lobby industriel. Un tel asservissement face aux intérêts privés devrait toutes et tous nous inquiéter.