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le Café Pédagogique
Appliquer le Choc des savoirs ? Perte de sens et reniement de l’éthique pour 34 chef·fes d’établissement
#educationNationale #enseignants #chocdessavoirs #ethique
Article mis en ligne le 13 avril 2024
dernière modification le 12 avril 2024

34 chef·fes d’établissements interpellent la ministre de l’Éducation nationale. Ils et elles estiment que les contraindre à mettre en place le choc des savoirs, « avec une pression à peine dissimulée », revient à leur demander de « renier » leur « éthique », leur « déontologie » et « les principes républicains » auxquels ils sont attachés. Le Café pédagogique publie leur tribune en exclusivité.

Madame la Ministre de l’Éducation,

Par l’arrêté du 15 mars 2024, vous nous demandez de mettre en place le choc des savoirs et d’organiser les groupes de besoins

Sachez, Madame la Ministre, que nous, fonctionnaires d’État, professionnels de l’Éducation, sommes très attachés à la mixité scolaire que nous considérons comme un principe républicain. Pour nous, les groupes de besoins entérinent une forme de tri scolaire qui est contraire à nos valeurs républicaines. En instaurant le choc des savoirs, vous nous demandez de poser des actes qui sont contraires à notre déontologie.

Sachez, Madame la Ministre, que nous, fonctionnaires d’État, professionnels de l’Éducation, partageons le constat que le système éducatif français est inéquitable et qu’il ne permet pas la réussite de tous. Or, chaque élève est différent. Tout l’enjeu de l’autonomie des établissements scolaires est de pouvoir répondre aux besoins spécifiques des élèves en fonction du contexte local, notamment par les pratiques coopératives et la différenciation pédagogique. Supprimer cette autonomie, réunir tous les élèves en difficulté dans un même groupe, entrave lourdement leurs possibilités de réussite scolaire.

Sachez, Madame la Ministre, qu’instaurer le choc des savoirs et mettre en place les groupes de besoins revient à déconstruire toute l’organisation pédagogique que nous avons élaborée avec les enseignants dans nos établissements scolaires. (...)

Sachez, Madame la Ministre, que dans beaucoup de nos établissements, les parents expriment un refus massif des groupes de besoins. La difficulté à trouver des professeurs principaux de 6e et de 5e, dont la mission est souvent confiée aux professeurs de français et de mathématiques, ainsi que la dislocation partielle des groupes classes dès la fin du mois de septembre suscite des inquiétudes légitimes pour le bien-être des élèves dont la scolarité au collège comprend aussi l’apprentissage de la vie sociale et du bien-vivre ensemble.

Depuis plusieurs années, les autorités ministérielles ont privilégié la communication médiatique au détriment du temps long de la co-construction éducative. Ces orientations nous ont conduit à poser des actes qui ne reposaient sur aucun texte réglementaire au moment où ils ont été pris. Ainsi, la loyauté envers les autorités ministérielles nous met en porte à faux vis-à-vis du respect des principes républicains de la décision publique et engage notre responsabilité de fonctionnaires d’État. Dans certains de nos établissements, des parents menacent de mettre en cause notre responsabilité pour les actes qui ont été posés sans fondement réglementaire. Sachez, Madame la Ministre, qu’à l’avenir, nous, fonctionnaires d’État, ne souhaitons plus engager notre responsabilité de la sorte. (...)

La mise en place du choc des savoirs va à l’encontre des valeurs auxquelles nous croyons, qui ont été déterminantes dans les choix professionnels qui nous ont conduit à devenir fonctionnaires d’État, professionnels de l’Éducation, au service de l’intérêt général et de la réussite des élèves. Sachez, Madame la Ministre, qu’en exerçant notre métier, tous les jours, nous cherchons à donner la pleine signification à la devise « Liberté, Égalité, Fraternité » qui orne le fronton de nos établissements scolaires. Madame la Ministre, nous contraindre à mettre en place le choc des savoirs, avec une pression à peine dissimulée, revient à nous demander de renier notre éthique, notre déontologie et les principes républicains auxquels nous sommes attachés.

À l’heure où l’École de la République, attaquée de toutes parts, est au bord de l’implosion, nous avons besoin de retrouver de la sérénité, d’être unis et réunis autour d’un projet commun et partagé.