
L’assurance chômage est en soins intensifs depuis six ans, mais visiblement les traitements administrés ne suffisent pas. Le gouvernement prescrit donc d’augmenter les doses, c’est-à-dire de réduire encore l’indemnisation des chômeurs.
Si une bonne thérapie repose d’abord sur un bon diagnostic, l’affaire semble une nouvelle fois mal emmanchée : toutes les réformes récentes ont été opérées sur la base d’un « diagnostic partagé » que nul n’a jamais vu, parce qu’il n’a jamais existé.
Idem pour les rapports annuels sur la gestion de l’assurance chômage, que la loi impose au gouvernement d’adresser chaque année au Parlement, et qui auraient pu nous éclairer sur ce qui ne va pas : il n’y en a jamais eu aucun. Cette réforme risque donc de se faire comme les précédentes, à l’aveugle.
Les assurés transformés en contribuables
Cette gouvernance d’autorité n’empêche pas l’Etat d’agonir la gestion paritaire du régime et de clamer la nécessité de « reprendre la main », alors même que 100 % de ce qui a été décidé depuis 2017 ans en matière d’assurance chômage est le fait des gouvernements qui se sont succédé.
Cette étatisation n’était pas au programme. Mais c’est pourtant bien ce que le président de la République a annoncé au Congrès réuni en juillet 2018 : la transformation de la cotisation salariale en impôt (CSG), que nul ne demandait et que rien ne justifiait au regard de l’efficacité de l’assurance (...)
La redistribution a supplanté l’assurance. La différence est essentielle car si l’assuré peut croire en l’existence d’un contrat (social), le contribuable n’a pas voix au chapitre, l’impôt se dissolvant dans la grande marmite du budget de l’Etat. (...)
La suite coule de source. Sur la foi d’anecdotes et d’idées reçues, d’une lecture borgne de la littérature économique, au nom de l’évidence selon laquelle le travail doit payer plus que l’inactivité, de l’existence de difficultés de recrutements, de la nécessaire contracyclicité, ou au motif que l’assurance chômage barrerait la route du plein-emploi, toutes les réformes se sont soldées par des réductions de droits. (...)
L’assurance chômage serait donc inutile ?
On en oublierait que si l’assurance chômage a été créée, c’est qu’elle répondait à un besoin. Sans assurance chômage, les assurés qui le peuvent devraient se constituer un bas de laine équivalent, grâce à des salaires plus élevés. Cela immobiliserait une épargne liquide colossale, les emplois risqués trouveraient moins facilement preneurs, accepter le premier emploi venu marginaliserait encore plus les chômeurs les moins employables et réduirait la productivité car en France le capital humain ne résiste pas au chômage.
C’est pourquoi la littérature économique de toutes obédiences défend qu’une économie est plus performante avec une assurance chômage qu’en son absence. Et cette assurance chômage ne doit pas être la plus rétrécie possible, mais « optimale » (...)
en France, l’assurance chômage rapporte beaucoup, car elle est très chère pour les assurés (salariés et employeurs) : près d’un mois de salaire net de contributions, par an et par salarié, soit 35 mois de salaire sur une carrière complète, l’équivalent de 50 mois d’allocations… Or depuis 1982, les droits ont toujours été réduits, mais les contributions ont augmenté sans jamais diminuer. Au total si notre assurance chômage n’est pas la plus généreuse du monde, elle est de très loin la plus onéreuse.
La seule cohérence de ces rétrécissements de droits, ce sont les économies qu’ils engendrent, rapidement transformées en ressources budgétaires. Comme cela ne suffisait pas, l’Etat y a ajouté une ponction de 12 milliards, soit un impôt de 50 % sur les excédents prévus d’ici 2026.
Heureusement abandonnée par la médecine, la théorie des humeurs nous revient par l’assurance chômage : c’est bien une nouvelle saignée qui s’annonce, (...)