
L’attaque délibérée le 23 juin 2025 de la tristement célèbre prison d’Evin à Téhéran, la capitale iranienne, où sont notamment détenus les défenseur·es des droits humains et les ressortissant·es étrangers, doit faire l’objet d’une enquête pour crime de guerre.
« Un bruit terrible ». Il est onze heures environ, heure de Téhéran. Puis, en regardant par sa fenêtre, cet habitant de la capitale se rend compte que de la fumée s’élève de la prison d’Evin. « Le bruit de l’explosion et l’aspect de la poussière et de la fumée étaient terrifiants. [...] Je pensais qu’en vivant près d’une prison, notre maison serait en sécurité. [...] Je n’arrivais pas à y croire. »
Ce jour-là, le 23 juin 2025, la prison d’Evin est la cible d’une série de frappes aériennes israéliennes. Plusieurs sites distants de plus de 500 mètres à l’intérieur du complexe pénitentiaire sont visés. Des structures de la prison et de nombreux bâtiments sont détruits ou sérieusement endommagés. Des immeubles d’habitation situés à l’extérieur de la prison sont également touchés. (...)
L’attaque a été lancée en pleine journée, durant les heures de visite. En plus des 1 500 à 2 000 détenu·es qui se trouvaient à la prison d’Evin au moment des frappes, des centaines d’autres civil·es se trouvaient également dans le complexe pénitentiaire. Le bilan humain est lourd : au moins 80 civil·es - 79 hommes et femmes et un garçon de cinq ans - ont été tué·es, selon les autorités iraniennes. (...)
L’armée israélienne a confirmé dans une déclaration qu’elle avait effectué « une frappe ciblée » sur la prison d’Evin et a justifié l’attaque en affirmant que des « ennemis du régime » y étaient détenus et torturés, et que des « opérations de renseignement contre l’État d’Israël, notamment de contre-espionnage », étaient menées dans la prison. L’interrogatoire de détenus accusés d’espionnage pour le compte d’Israël ou la présence d’agents des services de renseignement dans l’enceinte de la prison ne fait toutefois pas de cet établissement un objectif militaire légitime au regard du droit international humanitaire. (...)
Des séquences vidéo authentifiées, des images satellite et des entretiens avec des témoins oculaires, des proches de détenu·es et des défenseur·es des droits humains nous ont permis d’identifier les infrastructures endommagées par les frappes aériennes israéliennes. (...)
Deux prisonniers - Abolfazl Ghodiani et Mehdi Mahmoudian - qui ont survécu à l’attaque contre la prison d’Evin et ont été transférés au pénitencier du Grand Téhéran témoignent dans une lettre rédigée depuis la prison et publiée en ligne le 1er juillet 2025 :
« Deux ou trois explosions se sont produites près de la section 4 et lorsque les prisonniers sont sortis par la porte de celle-ci, ils ont vu la clinique en feu [...] Des prisonniers ont retrouvé sous les décombres les corps de 15 à 20 personnes, dont des membres du personnel de la clinique, des prisonniers, des employés de l’entrepôt, des gardiens ainsi que des agents. » (...)
L’opposant politique Mohammad Nourizad, qui se trouvait dans la section 8, a appelé sa famille pendant les frappes aériennes. Un enregistrement de son appel a été diffusé en ligne le 24 juin :
« Ils envoient des bombes sur nous. Des personnes sont blessées, les fenêtres sont brisées et tout le monde s’est dispersé [...] Ils viennent de frapper à nouveau. Je ne sais pas, ça semble intentionnel [...] mais bombarder une prison est incompatible avec toute logique ou code de conduite [...] Ils [les autorités pénitentiaires] ont fermé les portes sur nous et nous n’avons aucune nouvelle. » (...)
Les forces israéliennes auraient dû savoir que toute frappe aérienne contre la prison d’Evin pouvait causer d’importants dommages parmi des civil·es. Les autorités judiciaires du monde entier doivent veiller à ce que les responsables de cette attaque meurtrière soient traduits en justice, notamment en appliquant le principe de compétence universelle.
– Erika Guevara Rosas, directrice générale Recherche, Plaidoyer, Politiques et Campagnes à Amnesty International
(...)