
Une myriade de multinationales écocidaires sponsorisent et organisent de nombreux évènements dans l’espace ouvert au grand public de la conférence des Nations unies sur l’océan. Ce lieu de sensibilisation sur la protection des mers, situé au palais des expositions de la ville, a été financé à 90 % par des mécènes privés.
L’initiative est portée par le ministère des affaires étrangères avec le soutien de la métropole niçoise et de la région, qui vantent que « jamais, dans l’histoire des grandes conférences onusiennes sur l’océan ou sur le climat, un tel espace n’avait été conçu pour rapprocher les savoirs, les émotions et les actions ».
Dès l’entrée, le visiteur traverse une installation, une vague géante qui l’immerge dans une mer saturée de chants de cétacés. Mais sur un mur attenant à l’accueil, « La Baleine » rappelle qu’elle est financée par l’armateur CMA CGM, un des leaders mondiaux du transport maritime, mais aussi un superpollueur. Le transport en mer représente en effet à lui seul 3 % des émissions globales de gaz à effet de serre – soit autant que l’aérien. Le groupe, qui engrange des superprofits grâce à un avantage fiscal astronomique, a signé un chèque de 2 millions d’euros pour soutenir le sommet, d’après Reporterre.
Les coraux sauvés par le business
À l’entrée du palais des expositions sont aussi affichés comme « premium partners » de « La Baleine » Axa, le leader français de l’assurance qui couvre entre autres l’un des plus importants terminaux d’exportation de gaz de schiste américain, ou encore la Minderoo Foundation d’Andrew Forrest, président exécutif du géant minier australien Fortescue, une des plus grandes multinationales d’extraction de fer au monde.
Déjà parrains du raout communicationnel SOS Océan organisé à Paris en mars, lors duquel Emmanuel Macron a présenté ses objectifs pour le sommet de Nice, Bloomberg Philanthropies, la fondation du milliardaire américain homonyme et Oceano Azul Foundation, créée par une holding portugaise qui possède Jerónimo Martins, groupe historique de supermarchés, ont également eu le droit à leur logo de sponsor premium.
Pour terminer le tableau, BNP Paribas, qui est l’un des principaux soutiens financiers européens aux plus gros développeurs d’énergies fossiles, est estampillé pour sa part « sponsor officiel » (...)
Compagnie de croisière et industrie fossile
Cette étroite imbrication entre le secteur privé écocidaire et la zone verte du sommet de l’ONU se traduit de facto dans les pavillons et les animations proposées au grand public. Et produit un étrange effet de mélange des genres.
Aux côtés des conférences animées par des agences onusiennes, des organismes publics de recherche et des ONG, le programme déroulé au palais des expositions est constellé de tables rondes organisées par Axa ou encore Oceano Azul.
Quant au pavillon consacré aux coraux, il héberge par exemple un débat d’experts et expertes intitulé « Restauration des coraux par le tourisme et le business » sous l’égide de la fondation MSC, l’armateur de porte-conteneurs et de navires de croisière italo-suisse. La première compagnie de croisière en Europe a été pointée par la fédération d’associations environnementales Transport & Environment pour polluer énormément l’air avec ses paquebots et investir dans le gaz fossile. (...)
Derrière ceux qui distribuent avec grand sourire aux enfants des images de poulpe ou de méduse à colorier, un discret logo de la fondation du fournisseur de gaz fossile Engie se laisse entrevoir.
Sollicité sur le risque que ces fondations et multinationales privées destructrices des écosystèmes, en s’associant à une conférence onusienne, font leur « bluewashing » sur le dos de la protection des océans, le comité d’organisation français de l’UNOC n’a pas été en mesure de nous répondre.
Sur le pavillon de leur seul et unique « sponsor mondial », une citation du commandant océanographe Jacques-Yves Cousteau prévient pourtant : « L’homme a besoin de la mer. Et quand il la détruit, il se détruit lui-même. »