
(...) Le déficit du budget de l’État sera cette année de 5,5% du PIB, alors que Bruno Le Maire a déjà organisé 10 milliards de coupes budgétaire et veut en organiser 5 de plus. L’austérité déjà en vigueur pourrait ainsi se renforcer, détruisant toujours plus de services publics sur son passage : ce sont désormais 25 milliards d’économies qui sont réclamées par le FMI.
Des règles libérales absurdes
Les règles budgétaires européennes suivent le principe de la “règle d’or” : la dette publique ne doit pas dépasser 60% du PIB, et le déficit ne doit pas excéder 3%. Inscrit dans la proposition de constitution européenne, ce principe était l’un des principaux arguments du “non” lors du référendum de 2005. D’abord parce que cette règle d’or ne repose sur rien de tangible, ces chiffres étant totalement arbitraires, mais aussi parce que ce principe n’est qu’un instrument du libéralisme pour affaiblir les États et justifier les privatisations.
Après l’échec de constitution européennes, la règle budgétaire a finalement été fixée par le “Pacte de stabilité et de croissance”, un accord entre les pays membres de l’UE sans passer par référendum. Quand la démocratie ne va pas dans le sens des libéraux, il est toujours plus facile de se mettre d’accord sans demander son avis à la population…
Les gouvernements de Macron sont les premiers tenants de la règle d’or, et ne cessent de promettre l’équilibre budgétaire. Mais ils appliquent la politique inverse : c’est à une débauche d’argent magique que l’on assiste. L’État vide littéralement ses caisses au bénéfice des entreprises. Pendant que la précarité augmente et que les services publics ne remplissent plus leur rôle, les riches se gavent, protégés par une police aux crédits illimités. Une situation intenable au point d’inquiéter les marchés financiers (...)
Les autres puissances européennes taxaient donc ces superprofits, pendant que Bruno Le Maire fanfaronnait à la télé pour insister sur la confiance qu’il avait dans les entreprises pour être raisonnables. Un raisonnement d’économiste Bac-2 : même pour l’économie orthodoxe l’objectif d’une entreprise, par définition, est de maximiser son profit, pas d’être gentillette et de penser au bien commun. La faute du gouvernement est ici d’avoir joué aux ingénus pour ne pas froisser leurs amis patrons.
Cadeaux fiscaux à gogo (...)
principale cause de l’augmentation de la dette française : l’émission d’obligations d’État indexées sur l’inflation (les OATi). En économie, l’inflation est souvent considérée comme nécessaire lorsqu’elle reste à un niveau raisonnable. C’est une sorte de lubrifiant monétaire, un moyen d’empêcher l’argent de dormir dans des coffres de banque car celui-ci perd de sa valeur avec le temps. La BCE vise par exemple un taux d’inflation autour de 2%, afin de soutenir l’investissement dans l’économie réelle, les infrastructures et la production de biens et de services.
L’inflation est donc néfaste pour le capital, mais Bruno Le Maire a la parade : il a continué à émettre, malgré l’explosion de l’inflation à partir de 2022, des obligations d’État (c’est-à-dire de la dette) indexées sur l’inflation. L’État français n’a strictement rien à y gagner, si ce n’est un peu plus d’argent facile immédiatement pour financer les politiques macronistes, mais beaucoup d’argent à rembourser. (...)
Un État endetté, est-ce que c’est si grave ?
La réponse est simple : non. Un État, ça n’est pas un acteur économique comme les autres, car il ne peut pas vraiment faire faillite. Il ne dépose pas le bilan comme une entreprise en difficulté, il ne voit pas ses comptes bloqués et son dossier envoyé à la Banque de France pour être interdit bancaire comme les précaires. La France peut donc très bien s’endetter sans problème car son horizon temporel est potentiellement infini. Le pays ne disparaîtra pas s’il est en défaut de paiement, il n’aura des difficultés que s’il se soumet aux volontés du capitalisme international.
Mais au-delà de cet argument de puissance (l’État fait ce qu’il veut car il a le pouvoir sur son territoire) la dette française n’est finalement pas si élevée. En effet, l’État est actuellement endetté à hauteur de 110% de son PIB, on pourrait croire à un surendettement gravissime : l’État vivrait au-dessus de ses moyens ! En réalité, ce chiffre n’a strictement aucun sens : 34% de ce que l’État doit est à des entreprises ou ménages français, donc la France est endettée envers elle-même. On peut donc déjà relativiser ce chiffre.
Il reste 66% de dettes envers l’étranger. Ça paraît beaucoup, mais regardons ce qu’est réellement la dette : un patrimoine en négatif, c’est ce que l’État doit à d’autres. Or le PIB auquel on compare cette dette est un revenu : il s’agit de la quantité de biens et services produits sur le territoire français en une année. Autrement dit on compare l’incomparable ! Cela donne un ordre de grandeur, certes, mais si on voulait évaluer l’ampleur de la dette française il faudrait plutôt la comparer à ce que le pays possède : son patrimoine et pas son revenu.
Or la France est un pays riche, très riche. Doté d’infrastructures développées sur tout son territoire, l’État possède des routes, gares, aéroports, bâtiments publics mais aussi des entreprises qui rapportent presque 10% de ses revenus. Le patrimoine français est difficile à évaluer, étant donné sa quantité de biens inestimables, comme la Tour Eiffel et autres monuments historiques, mais il est très largement supérieur à la dette de l’État (...)
Le pays s’était très fortement endetté pour faire face à la crise de 2008 et remboursait cette dette en empruntant d’autant plus sur les marchés, tout en trafiquant ses comptes pour obtenir des taux plus avantageux. Une fois le pot-aux-roses découvert, les taux d’emprunt de l’État grec explosent : le pays ne peut plus se financer, il est rapidement mis en défaut de paiement.
C’est là que la Troïka intervient. La Troïka, c’est l’association de la Commission Européenne, de la Banque Centrale Européenne et du Fonds Monétaire International, et ces trois institutions ont “sauvé” la Grèce grâce à un plan de sauvetage de 260 milliards d’euros. Mais cet argent a été versé sous conditions :
Un plan d’austérité drastique qui a obligé la Grèce à vendre une bonne partie de son patrimoine, notamment les infrastructures de l’énergie et des transport.
Le cas emblématique est la vente du port du Pirée en 2016 à la société chinoise COSCO Shipping, devenue actionnaire majoritaire d’un des principaux port de la Méditerranée. La vente de l’OPAP avait aussi rapporté plus d’un demi-milliard d’euros à l’État grec. L’OPAP, c’est l’équivalent de la Française des Jeux, l’organisme grec qui gère les jeux de hasard et qui est particulièrement rentable. Ça ne vous rappelle rien ? C’est exactement ce que Macron a fait lorsqu’il a privatisé la FDJ en 2019, récoltant ainsi 1,9 milliards d’euros pour réduire la dette publique.
Après sa cure d’austérité, la Grèce est un pays affaibli, la pauvreté a explosé et l’extrême droite prolifère. La Troïka n’a pas sauvé le pays, elle a enrichi des investisseurs et rassuré les banquiers en suivant exactement la même logique économique que Macron et ses prédécesseurs. En multipliant les cadeaux au patronat, la macronie creuse le déficit pour lequel la France sera sanctionnée en devant mener des cures d’austérité qui favoriseront à nouveau les entreprises marchandes. Ce n’est pas une crise : c’est un hold-up en bande organisée.