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France24/AFP
Aux États-Unis, le puissant lobby pro-israélien Aipac lâché par les démocrates
#USA #Israel #AIPAC
Article mis en ligne le 6 octobre 2025

Symbole d’un tournant politique au Congrès américain, plusieurs élus démocrates, dont leur chef de file à la Chambre des représentants Hakeem Jeffries, s’éloignent du lobby pro-Israël Aipac. Sa fidélité inconditionnelle à Benjamin Netanyahu se heurte désormais à un électorat de plus en plus critique envers la gestion de la guerre à Gaza par Israël.

Un séisme discret secoue les couloirs du Capitole, selon le New York Times. Pour la première fois, le chef de file des démocrates à la Chambre des représentants, Hakeem Jeffries, a accepté l’appui de J Street, un groupe de pression qui prône une solution à deux États et critique ouvertement le gouvernement de Benjamin Netanyahu. Depuis 2008, cette organisation s’efforce de concurrencer l’Aipac (American Israel Public Affairs Committee), le lobby pro-israélien le plus puissant de Washington, auquel Hakeem Jeffries était jusque-là étroitement associé. Son choix marque une rupture symbolique. (...)

Un lobby historique fragilisé

Depuis des décennies, l’Aipac domine le jeu politique grâce à ses financements et son influence au Congrès. Avec plus de cinq millions de membres revendiqués, il s’assure de la continuité de l’aide militaire à Israël et du veto américain aux résolutions de l’ONU condamnant la politique israélienne à Gaza et en Cisjordanie. "C’est un lobby qui a toujours été très efficace parce qu’il comprend les rouages de prise de décision à Washington", analyse Steven Ekovich. "Ses membres sont toujours présents lors des audiences des commissions qui discutent de toute question touchant à Israël."

Sa force réside aussi dans sa capacité à sanctionner les élus jugés hostiles à Israël : l’an dernier, plus de 23 millions de dollars ont été dépensés pour battre les représentants Cori Bush (Missouri) et Jamaal Bowman (New York), farouchement opposés à l’aide américaine à Israël. L’Aipac a également investi plus d’un million de dollars dans une primaire démocrate de l’Oregon afin de faire gagner la candidate Maxine E. Dexter face à une adversaire qualifiée d’"anti-israélienne", soutenue par J Street et Bernie Sanders.

Mais la guerre à Gaza a modifié la donne. L’appui inconditionnel de l’Aipac à Benjamin Netanyahu et son discours présentant l’offensive israélienne comme une guerre "juste et morale" heurtent désormais une partie croissante des démocrates et de leurs électeurs. Plusieurs élus qui recevaient traditionnellement de grosses sommes d’argent du lobby, comme Morgan McGarvey (Kentucky), Deborah Ross et Valerie Foushee (Caroline du Nord), ont publiquement refusé tout futur don. Valerie Foushee a même cosigné le Block the Bombs Act, visant à suspendre les livraisons d’armes à Israël tant que certaines conditions humanitaires ne sont pas respectées. (...)

Face à ce désengagement, le lobby pourrait toutefois sortir un argument : l’argent. "Il va être de plus en plus compliqué de financer les campagnes électorales américaines telles qu’elles existent actuellement", prévient Marie Assaf. "L’argument de l’Aipac serait de dire aux démocrates : si vous voulez rivaliser avec les multimilliardaires qui soutiennent les républicains, vous ne pouvez pas vous passer de nos dons." (...)

Le désengagement se manifeste également dans les rites politiques : les voyages annuels organisés par l’Aipac en Israël, autrefois incontournables pour les nouveaux membres du Congrès, sont de plus en plus boudés (...)

Ce mouvement traduit un glissement plus large de l’opinion publique. Un récent sondage du New York Times et de la Siena University a montré l’effritement du soutien américain à Israël et une nette désapprobation de la gestion de la guerre à Gaza. Même certains élus réputés proches de l’Aipac, comme Ritchie Torres ou Cory Booker, ont reconnu la famine et la gravité de la crise humanitaire, Ritchie Torres allant même encore plus loin en comparant la guerre à Gaza au "bourbier" de la guerre en Irak, relate le magazine New York.

L’Aipac, qui continue de financer plus de la moitié des élus démocrates et le reste de l’équipe de direction démocrate de la Chambre, garde cependant des appuis solides. Trente parlementaires démocrates, ayant perçu au total 56 millions de dollars de dons de l’Aipac et d’autres organisations pro-Israël, ont récemment exhorté Marco Rubio à bloquer toute reconnaissance de l’État de Palestine à l’ONU. Selon le site Track Aipac, ces élus ont également voté en faveur de milliards de dollars d’aide militaire à Israël. (...)