
Face à ce qu’elles estiment être une récupération par la gauche du mouvement « Bloquons tout », les sphères d’extrême droite tentent de reprendre la main sur une mobilisation venue de l’écosystème souverainiste.
A quelques jours du 10 septembre, le député Rassemblement national (RN) Matthias Renault bat le rappel des déçu·es d’un mouvement « phagocyté, selon lui, par l’extrême gauche » avant même d’avoir commencé. Sur le réseau social X, l’élu s’active pour tenter d’importer en France l’opération anti-immigration « Raise the Colours ». Née au Royaume-Uni à l’été 2025, celle-ci encourage les citoyen·nes à hisser des drapeaux britanniques et anglais au bord des routes, aux lampadaires ou aux balcons, le plus souvent pour exprimer leur xénophobie.
En France, le mot-dièse #OpérationTricolore n’a pas tardé à être largement relayé sur la plateforme d’Elon Musk par des comptes d’extrême droite influents, comme celui de Damien Rieu, ancien responsable de Génération identitaire, du collectif Némésis ou du « citoyen engagé » Jon De Lorraine. Éric Zemmour, qui doit participer le 13 septembre au rassemblement organisé à Londres par l’un des porte-voix du mouvement « Raise the Colours », l’activiste identitaire Tommy Robinson, a lui aussi soutenu ces actions.
Une partie de l’extrême droite française ne veut pas voir la mobilisation du 10 septembre lui échapper au profit de ses adversaires. Plusieurs organisations traditionnelles de gauche, en particulier La France insoumise (LFI), se sont en effet rapidement associées à l’appel à « tout bloquer » dans l’espoir de capitaliser sur cette initiative citoyenne. Toujours réticent à inciter ses militant·es à descendre dans la rue, le RN a en retour pris ses distances avec le mouvement. Edwige Diaz, vice-présidente du parti, expliquait ainsi au mois d’août que le RN « n’a pas vocation à être l’instigateur [ni] l’organisateur de manifestations ».
Un mouvement parti des sphères souverainistes
À l’origine, pourtant, « Bloquons tout » est né au printemps dans des sphères très droitières. L’appel a été lancé le 21 mai dans un canal Telegram confidentiel appelé « Les Essentiels » : « Le 10 septembre, la France s’arrête », promettait alors un message. Derrière ce groupe, on retrouve Julien Marissiaux, qui anime depuis plusieurs années un café associatif dans le Nord. S’il revendique animer un mouvement « indépendant », loin des partis, son compte LinkedIn affiche, comme l’a relevé Le Monde, des partages d’Elon Musk, du RN ou de Philippe de Villiers.
Rapidement, les appels à la mobilisation ont essaimé dans les sphères d’anciens « gilets jaunes », dans le sillage de quelques figures comme Anaïs Albertini ou Olivier Rohaut alias Oliv Oliv, appuyé·es par des relais complotistes proches de l’extrême droite, à l’image de la journaliste Myriam Palomba. Il faudra attendre quelques jours pour que le mouvement se diffuse et se structure autour de la chaîne Telegram « Indignons-nous », et soit repris par des figures ancrées à gauche. Au grand dam des premiers et premières mobilisé·es. (...)
Mardi, sur ses réseaux sociaux, le fondateur du parti Debout la France a appelé ses sympathisant·es à se rendre aux manifestations du 10 septembre en brandissant un drapeau français pour soutenir « l’opération tricolore ».