
Peu après la révolution, la France est encore très largement rurale, l’essor de l’industrie et l’exode urbain sont encore à venir. Durant près de deux siècles, ce sont les 35 000 communes qui vont se voir confier la mise en œuvre de l’approvisionnement en eau, puis de l’assainissement des eaux usées. Au fil du temps, une mosaïque très complexe se met en place, avec les premiers regroupements intercommunaux sous forme de syndicats. (...)
Avant la loi NOTRe
La loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant Nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) prévoit le transfert obligatoire des compétences eau et assainissement à l’ensemble des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre d’au moins 15 000 habitants.
• Les communautés urbaines et les métropoles exercent déjà cette compétence à titre obligatoire (articles L5215-20-I-5°-a et L5217-2 I-5°-a du Code général des collectivités territoriales) ;
• la compétence eau et la compétence assainissement dans sa totalité deviennent des compétences optionnelles pour les communautés de communes à compter de l’entrée en vigueur de la loi (article 18) ;
• à compter du 1er janvier 2020, l’eau et l’assainissement deviennent des compétences obligatoires pour les communautés de communes et les communautés d’agglomération (articles 18 et 20) ;
Communes et intercommunalités (...)
À l’échelle locale, les enjeux sont énormes : quel syndicat va disparaître et voir ses compétences transférées à une intercommunalité ? Quelle intercommunalité, trop petite, va devoir fusionner avec sa voisine pour atteindre une taille acceptable ? Dans l’esprit des concepteurs de la loi, la quasi-totalité des syndicats existants devaient disparaître. Il n’en sera rien tant les élus locaux sont attachés à cet outil de pouvoir et aux modestes prébendes qui y sont liées, soit les indemnités dont bénéficient leurs présidents et vice-présidents.
Une mise en œuvre complexe (...)
La guérilla du Sénat : des arrières pensées politiciennes
Si l’on admet que l’impact colossal de cette véritable révolution copernicienne sur les collectivités locales a par trop négligé depuis l’origine les spécificités des petites collectivités littorales et de montagne, on n’en demeure pas moins ébahi de constater qu’un petit groupe de sénateurs de droite, conduits par leur pasionaria, Mme Françoise Gatel, sénatrice (UDI) d’Ille-et-Vilaine, tout juste nommée ministre déléguée à la ruralité, au commerce et à l’artisanat du gouvernement Barnier, vient de remporter une victoire après dix ans de guérilla avec l’enterrement de la loi NOTRe, annoncée tout à trac au Sénat par le premier ministre. (...)
L’impact de l’enterrement de la loi NOTRe
Fin 2023, selon la DGCL, seule une moitié des collectivités concernées avait réalisé le transfert des compétences.
S’il persiste, avec un projet de loi présenté dès ce 17 octobre, dans son intention funeste de supprimer le caractère obligatoire du transfert de compétences aux communautés de communes au 1er janvier 2026, Michel Barnier, s’inscrivant dans les pas de Georges Pompidou — et son célèbre « Arrêtez d’emmerder les Français » –, va de facto créer un service public de l’eau et de l’assainissement à deux vitesses et faire encourir de graves risques sanitaires et environnementaux à des centaines de milliers de français.
Des usagers risquent dès lors de saisir la justice pour inégalité d’accès au service public. La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (Fnccr) comme le réseau France eau publique (FEP) estiment que face au mur d’investissement qui nous attend, le prix de l’eau devrait être multiplié par deux d’ici à 2030.
Sécheresses, inondations, raréfaction de la ressource, pollutions, recul du trait de côte…, qui pourrait croire qu’une commune de 50, 500 ou même 5000 habitants, pourra y pourvoir seule ?