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Club de Mediapart/Carta Academica/Adriana Costa Santos, doctorante en sciences sociales et politiques
Belgique - Politique migratoire : répondre au massacre par la suspicion et la dissuasion
#Belgique #exilés #migrants
Article mis en ligne le 7 février 2024
dernière modification le 6 février 2024

La décision de la secrétaire d’état à l’asile de demander le retrait de nationalité à des enfants né·es en Belgique de parents palestinien·nes est choquante, mais cohérente avec une politique migratoire restrictive marquée par la suspicion et la dissuasion, peu soucieuse du droit et qui réagit aux crises humanitaires en limitant la protection des civil·es.

Deux mois après le début de la guerre à Gaza, on apprenait que l’Office des Étrangers a envoyé à certaines communes un courrier demandant le retrait de la nationalité belge à des enfants né·es en Belgique de parents palestiniens. La pratique, pleinement assumée par la secrétaire d’État à l’asile et à la Migration, Nicole de Moor, est présentée comme une réponse à des “abus”, et n’aurait aucun lien avec la guerre en cours. Y compris lorsqu’il s’agit de nouveaux-né·es et de femmes enceintes qui cherchent un lieu sûr pour accoucher, dans un contexte de risque aggravé de nettoyage ethnique, selon l’ONU, ou même de génocide, selon la Fédération Internationale pour les Droits Humains, la priorité belge reste la restriction migratoire.

1. Guerre en Palestine et positionnement diplomatique (...)

2. Restrictions d’accès et retraits de nationalité

Deux mois après le début de la guerre, la Belgique n’avait toujours pas mis en œuvre des moyens d’évacuation des personnes ayant un titre de séjour belge, ni proposé un assouplissement des procédures d’obtention d’un visa humanitaire ou d’un regroupement familial[1]. Certaines demandes d’asile de Palestinien·nes ont été gelées durant les deux premiers mois du conflit. Privés du droit à l’accueil, des centaines de demandeurs d’asile palestiniens subissent une détresse physique et psychologique dans une situation de sans-abrisme en Belgique. À cela s’ajoute le refus d’octroi - voire le retrait - de la nationalité belge à des enfants né·es en Belgique de parents palestiniens.

Pourtant, la loi belge prévoit que les mineurs sans nationalité, ou apatrides, ont droit à la nationalité belge (...)

En refusant ou en retirant la nationalité belge à ces enfants, la Belgique leur fabrique donc un statut d’illégalité. Éthiquement injustifiable et juridiquement infondée, la position de la Belgique est kafkaïenne puisqu’elle considère que ces enfants ont la nationalité d’un État… qu’elle ne reconnaît pas.

3. Cadre de l’accueil : suspicion et dissuasion comme clés de la restriction (...)

Depuis les années 80, la politique d’asile belge et européenne est marquée par le paradigme de la suspicion. Concrètement, cela se traduit par des procédures de vérification de la crainte avérée, en partant du postulat de la fraude. (...)

En parallèle, la politique migratoire est aussi marquée par un paradigme de dissuasion à l’égard des candidat·es à l’asile. Cela se traduit au niveau européen par des accords bilatéraux pour externaliser le contrôle de ses frontières ou par la pratique des refoulements en méditerranée. En Belgique, ce même principe justifie notamment des campagnes de communication à destination des pays d’origine des demandeur·euses d’asile, dont la Palestine à partir de 2018, mais aussi progressivement des limitations dans l’accès des demandeurs·euses d’asile à leurs droits. Les décisions illégales de la politique de non-accueil de Nicole De Moor en sont la dernière illustration en date.

Ces constats ne sont pas nouveaux, mais s’insèrent dans une série d’événements où, face à des contextes d’instabilité géopolitique avérée, le gouvernement belge a pris l’initiative de limiter la protection internationale. (...)

4. Sortir de la ligne restrictive, pour une éthique de l’accueil

Pourtant, des moyens alignés avec le droit à la protection internationale et conformes à la dignité humaine existent et ont été appliqués récemment en Belgique. Dans le contexte de l’invasion russe de l’Ukraine, l’État belge a déployé des discours de solidarité et des solutions qui ont permis d’accueillir plus de 70.000 ressortissant·es ukrainien·nes et de les accompagner vers une intégration durable.

Au vu des circonstances en Palestine, il serait prioritaire de sortir de la ligne restrictive intransigeante et d’octroyer une protection internationale aux ressortissant·es palestinien·nes présent·es sur le territoire belge. Cela passerait aussi par le fait d’acter de manière non-équivoque le statut d’apatridie des enfants qui y naissent, et leur accorder la nationalité belge. Ces mesures leur assureraient une protection, et leur éviteraient une double violence symbolique : devoir suivre la destruction et le massacre de la population dans leur pays, depuis une situation de non-existence légale en Belgique.4. Sortir de la ligne restrictive, pour une éthique de l’accueil

Pourtant, des moyens alignés avec le droit à la protection internationale et conformes à la dignité humaine existent et ont été appliqués récemment en Belgique. Dans le contexte de l’invasion russe de l’Ukraine, l’État belge a déployé des discours de solidarité et des solutions qui ont permis d’accueillir plus de 70.000 ressortissant·es ukrainien·nes et de les accompagner vers une intégration durable.

Au vu des circonstances en Palestine, il serait prioritaire de sortir de la ligne restrictive intransigeante et d’octroyer une protection internationale aux ressortissant·es palestinien·nes présent·es sur le territoire belge. Cela passerait aussi par le fait d’acter de manière non-équivoque le statut d’apatridie des enfants qui y naissent, et leur accorder la nationalité belge. Ces mesures leur assureraient une protection, et leur éviteraient une double violence symbolique : devoir suivre la destruction et le massacre de la population dans leur pays, depuis une situation de non-existence légale en Belgique. (...)