
La commission d’enquête parlementaire a auditionné mardi la nouvelle cheffe de l’inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche. Une instance que seuls le ministre de l’éducation ou le premier ministre peuvent saisir. Ce qui n’est toujours pas fait pour Bétharram.
La question taraude les observateurs du tentaculaire dossier Bétharram : pourquoi aucune enquête de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR) n’a-t-elle jamais été menée pour faire la lumière sur cet établissement des Pyrénées-Atlantiques, où se sont déroulées moult violences depuis au moins quatre décennies ? Mardi 8 avril, devant la commission d’enquête parlementaire relative aux violences dans les établissements scolaires, la cheffe de l’inspection générale de l’IGÉSR, Dominique Marchand, a laissé encore une fois cette question sans réponse.
Les critères (pas forcément cumulatifs) tels que décrit par Dominique Marchand auprès de la commission pour le déclenchement d’une inspection générale – soit le plus haut niveau de contrôle de l’administration – semblent pourtant réunis : la gravité des situations signalées ; la nécessité d’un dépaysement en cas de collusions locales ; le niveau de responsabilité des intéressés ; le niveau de médiatisation d’une affaire ; le manque de ressources au local. Le portrait-robot de la situation de Notre-Dame-de-Bétharram, en somme.
À ce jour, deux cents plaintes ont été déposées au palais de justice de Pau concernant cette institution, pour des violences physiques ou sexuelles. Les faits reprochés s’étalent sur des dizaines d’années, impliquent la responsabilité de plusieurs chefs d’établissement, et mettent en cause divers personnels (...)
Enfin, la responsabilité voire l’intervention directe dans le dossier de divers élus locaux, départementaux et nationaux est pointée du doigt, et notamment celle de Français Bayrou, père d’élève, ancien maire de Pau, ancien président du conseil départemental, ancien ministre de l’éducation nationale et actuel premier ministre.
S’il fallait en rajouter, le sujet de Bétharram est tout sauf de l’histoire ancienne. À l’occasion d’un déplacement sur place le 18 mars 2025, les corapporteur·es de la commission d’enquête ont découvert des faits de violences sexuelles commis entre élèves au cours de l’année 2024, qui n’avaient pas été signalés au procureur de la République. Il y a donc largement matière à enquêter sur d’éventuels dysfonctionnements. (...)
la saisine de l’inspection générale relève de la seule décision du ministre, celui de l’éducation nationale en la matière. (...)
Or depuis tout ce temps, aucune ministre de l’éducation – ni Amélie Oudéa-Castéra, ni Nicole Belloubet, ni Anne Genetet, ni Élisabeth Borne – n’a considéré qu’il y avait matière à investir les inspecteurs généraux d’une mission sur ce groupe scolaire privé sous contrat.
L’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche peut également recevoir des missions du premier ministre. François Bayrou, qui a assuré maintes fois n’avoir « jamais été informé de quoi que ce soit de violences ou de violences a fortiori sexuelles » sur l’établissement, puis a promis son soutien aux victimes, n’a pas lui non plus jugé nécessaire d’user de ce pouvoir. (...)
Selon le ministère, la ministre Élisabeth Borne a choisi de lancer un contrôle académique « conformément à la réglementation concernant les établissements du privé sous contrat ». En fonction des résultats du contrôle, en cours d’analyse, « la ministre se réserve la possibilité de diligenter une inspection générale », explique-t-on à Mediapart depuis deux mois.
En mémoire, Stanislas et Averroès (...)
Ces différences de traitement ne peuvent qu’alimenter un sentiment « choquant de deux poids de mesures », assume le député Paul Vannier, d’autant que, dans ces deux cas, ces rapports n’ont jamais été rendus publics par le ministère. Elles soulèvent surtout, de Stanislas à Bétharram en passant par Averroès, la question de l’indépendance de l’inspection générale vis-à-vis du pouvoir politique, puisque seul un ministre a le pouvoir de déclencher sa saisine.
Les inspecteurs sont seuls « responsables et signataires » de leur rapport, souligne leur nouvelle patronne, Dominique Marchand, qui explique que son rôle réglementaire se borne à transmettre les rapports aux ministres, sans autre intervention. (...)
Quant à la publication de ces documents clés, elle ne dévie pas davantage des pas de sa prédécesseuse : « Je ne crois pas anormal que l’ensemble des rapports ne soit pas diffusé car nous avons un rôle de conseil auprès des ministres, ils n’ont pas vocation à être rendus publics. »