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BFMTV passe d’un milliardaire à l’autre
#medias #multinationales
Article mis en ligne le 17 mars 2024

Le magnat des télécoms Patrick Drahi va céder ses chaînes télé et la radio RMC à Rodolphe Saadé, patron du géant du commerce maritime CMA CGM. Le troisième armateur mondial se livre à une frénésie d’achats grâce à des bénéfices records, et à la niche fiscale dont il bénéficie.

(...) le PDG d’Altice France, Arthur Dreyfuss, annonce la future cession et salue « une excellente nouvelle pour conserver notre ADN si particulier, fait d’audace et de pragmatisme, qui nous caractérise depuis le début ».

Il incite les salarié·es à se « réjouir qu’un nouvel entrepreneur, Rodolphe Saadé, à la tête d’un groupe familial historique, ancré sur notre territoire et doté d’une vision industrielle de long terme, s’inscrive dans la continuité de Patrick Drahi ».
Vigilance des journalistes

Un enthousiasme de rigueur pas forcément partagé par les troupes d’Altice Media, qui regroupe BFMTV, BFM Business, BFM Radio, le réseau régional de BFM, ainsi que RMC, RMC Découverte et RMC Sport. D’après nos informations, les directeurs des différentes chaînes du groupe ont pris la parole devant les salarié·es vendredi « pour dire leur surprise et tenter de rassurer », résume un journaliste. « Ils ont assuré qu’ils n’étaient au courant de rien », confirme un autre.

Toutes celles et ceux que Mediapart a contacté·es accueillent la nouvelle sans joie ni effroi, mais avec prudence. « On attend d’avoir plus d’informations sur les conditions de la transition, réagit la société des journalistes (SDJ) de BFMTV. On espère surtout que les moyens rédactionnels et l’indépendance ne seront pas impactés. On sera très vigilants sur ces points. »

La SDJ de RMC est plus tranchante : « Notre liberté éditoriale n’est pas monnayable et nous continuerons à la défendre farouchement. Nous ne voulons pas d’un Bolloré bis », fait-elle savoir, disant attendre de son futur nouvel actionnaire « qu’il s’engage formellement sur l’indépendance des rédactions du groupe ». (...)

Avec cette cession, Patrick Drahi quitte l’univers des médias généralistes, dans lequel il était entré avec le rachat du quotidien Libération en 2014, et qu’il a laissé à son indépendance en 2020. Il ne lui reste plus que la chaîne israélienne francophone I24 News.

Altice coule

Il faut dire que le bateau Altice, lesté d’une énorme dette de plus de 60 milliards de dollars (55 milliards d’euros), est en train de faire naufrage. Et que le magnat des télécoms, aux abois, n’a plus les moyens de jouer les funambules ou les prestidigitateurs, comme il l’a fait pendant des années devant ses banquiers. (...)

En 2017, le groupe avait déjà failli filer vers la faillite. Cette fois, la situation paraît inextricable : tout ce qui avait porté Patrick Drahi vers des sommets tourne désormais à l’envers. Lui qui ne jurait que par la dette se trouve pris à revers par le resserrement monétaire mondialisé. Il lui faut payer des intérêts de plus en plus élevés. Avant l’été, les créanciers lui demandent déjà plus de 8 % d’intérêt.
Corruption au Portugal

Dans le même temps, ses activités stagnent. Dans un secteur qui a perdu beaucoup de sa dynamique (lire notre encadré), SFR est en position bien plus fragile que ses concurrents. La qualité des services et ses prix font fuir les client·es. Aux États-Unis, son pari sur le câble s’avère un échec.

Et à l’été 2023, le dernier étai du groupe Altice, un des plus importants, a lâché. En juillet, une vaste entreprise de corruption est mise au jour au Portugal. Au centre de ce système de fausses factures, de fraude fiscale, de blanchiment, émerge un chef d’orchestre : Armando Pereira, bras droit de Patrick Drahi. Son homme à tout faire, à commencer par les basses besognes. (...)

Rodolphe Saadé devrait, dans les prochains jours, se présenter et donner les grandes lignes de son projet devant les équipes d’Altice Média. Un CSE extraordinaire devrait se tenir mardi 26 mars. « Nous avons une liste de questions à lui poser, indique Pauline Benavente, déléguée syndicale SNJ et secrétaire du CSE. On se demande par exemple si tous nos accords d’entreprises seront maintenus dans le deal ou s’ils vont tomber. » (...)