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Mediapart
Blessés graves de Sainte-Soline : le parquet annonce un classement sans suite
#SainteSoline #gendarmerie #violencespolicieres
Article mis en ligne le 5 décembre 2025

Aucun gendarme n’est poursuivi pour avoir tiré sur Serge, Alix, Olivier et Mickaël le 25 mars 2023. Le parquet de Rennes a décidé d’ouvrir une information judiciaire limitée aux tirs tendus de grenades révélés par les caméras-piétons.

La décision du procureur de Rennes résonne au mieux comme un aveu d’impuissance, au pire comme une tentative de se donner bonne conscience. Frédéric Teillet a annoncé, jeudi 4 décembre 2025, qu’il classait sans suite l’enquête pour « violence par personne dépositaire de l’autorité publique » et « non-assistance à personne en danger » concernant quatre manifestant·es gravement blessé·es le 25 mars 2023 à Sainte-Soline (Deux-Sèvres).

« Aucune investigation supplémentaire ne peut permettre d’éclaircir les circonstances de ces tirs », résume le procureur dans l’avis de classement adressé aux plaignant·es, après avoir rappelé le déroulement de l’enquête. Serge, Alix*, Mickaël et Olivier*, qui demandaient l’ouverture d’une information judiciaire, s’apprêtent à déposer une plainte avec constitution de partie civile pour forcer la désignation d’un juge d’instruction.

Pour leur avocate, Chloé Chalot, ce classement sans suite « ne répond aucunement aux observations formées et aux nombreuses insuffisances de l’enquête » qu’ils avaient pointées et s’assimile à « une simple synthèse des synthèses de l’IGGN [Inspection générale de la gendarmerie nationale – ndlr] ». Elle y voit une décision « incompréhensible », « alors même que les vidéos n’ont pas été intégralement exploitées par les enquêteurs », qu’elles « pourraient révéler des informations fondamentales les concernant ».

Une information judiciaire minimaliste (...)

Le parquet de Rennes, compétent en matière militaire, a fait le choix contesté de garder sous sa direction cette enquête, qu’il qualifie lui-même de complexe, sans jamais la confier à un juge d’instruction indépendant. S’il annonce finalement l’ouverture d’une information judiciaire pour violences volontaires, celle-ci porte exclusivement sur les tirs tendus révélés par les images tirées des caméras-piétons des gendarmes.

Bien que l’IGGN ait signalé à la justice, dès la mi-2024, quelques tirs tendus découverts sur les images qu’elle a visionnées, elle a omis d’en consigner l’essentiel sur procès-verbal et utilisé des formules destinées à minimiser l’ampleur de ces pratiques interdites. (...)

Une enquête lacunaire

Sans être confrontés aux images de caméras-piétons, qui n’ont été exploitées par l’IGGN qu’après leurs auditions, les responsables hiérarchiques de la gendarmerie ont démenti l’existence de tirs tendus et défendu un usage de la force « proportionné » à la violence des manifestant·es.

Aucun gendarme n’a été réentendu par la suite, ni interrogé sur les consignes de tirs tendus visibles sur les images, qui ne relèvent pas d’initiatives isolées : dans plus de la moitié des escadrons étudiés, des gradés ordonnent à leurs subordonnés de procéder ainsi.

Les vidéos montrent aussi des dizaines de commentaires particulièrement déplacés et d’insultes visant les manifestant·es, traités de « fils de pute », d’« enculés », de « pue-la-pisse ». Des gendarmes se vantent d’avoir touché des manifestants « en pleine tête » ou « dans les couilles », se réjouissent de « leur faire mal » et vont jusqu’à dire qu’il faudrait « les tuer ». (...)

À défaut de poursuites pénales, ces propos sont susceptibles de donner lieu à des sanctions disciplinaires. En réaction aux révélations de Mediapart et Libération, le ministre de l’intérieur, Laurent Nuñez, a annoncé l’ouverture d’une enquête administrative dont il n’a jamais précisé publiquement le périmètre.

Trois escadrons de gendarmerie mobile (EGM) n’ont transmis aux enquêteurs de l’IGGN aucune image de leurs caméras-piétons, invoquant soit des caméras en maintenance, soit une tentative d’extraction des images hors délai. De son côté, l’IGGN a omis d’exploiter les images d’un escadron et retranscrit très partiellement les autres.

En ce qui concerne l’intervention des secours, l’enquête a pointé de nombreux « malentendus » entre les différentes autorités, et une « confusion » conduisant à d’importants retards dans la prise en charge des blessé·es. Pour Frédéric Teillet, cependant, « aucune entrave à l’action des secours n’a eu lieu ». « Le procureur occulte les nombreuses défaillances du dispositif révélées par l’enquête que nous avions identifiées dans la procédure et portées à sa connaissance », estime Chloé Chalot.