
Mardi 1er juillet, la peine de l’écrivain Boualem Sansal, notamment pour « atteinte à l’unité nationale », a été confirmée en appel. Depuis son arrestation en novembre dernier, l’écrivain est suspendu aux tensions diplomatiques entre Paris et Alger et espère une grâce présidentielle.
Cinq ans de prison ferme : la peine de l’écrivain Boualem Sansal a été confirmée en appel, mardi 1er juillet, à Alger. De quoi crisper encore un peu plus les relations déjà très tendues entre la France et l’Algérie, les deux pays de l’écrivain.
Le Quai d’Orsay a fustigé la décision de maintenir la peine prononcée en première instance, « à la fois incompréhensible et injustifiée », tout en insistant sur l’état de santé de l’écrivain, âgé de 80 ans et atteint d’un cancer. « La France appelle les autorités algériennes à faire preuve d’un geste de clémence et à trouver une issue rapide, humanitaire et digne […]. Notre souhait est qu’il puisse être libéré et soigné. »
Ce « geste » pourrait bien avoir lieu le 5 juillet, jour de la fête d’Indépendance algérienne, qui s’accompagne chaque année d’une vague de grâces présidentielles. En France, la grâce était déjà espérée et attendue à la suite de sa condamnation en première instance, sans qu’elle soit jamais officiellement évoquée par l’Algérie. Le président algérien Abdelmadjid Tebboune devait en tous les cas attendre la décision en appel pour prendre sa décision. (...)
Pris au piège des tensions franco-algériennes
Voilà plus de sept mois que Boualem Sansal est détenu en Algérie, depuis son arrestation le 16 novembre 2024. En cause, notamment, ses déclarations un mois plus tôt remettant en question les frontières de l’Algérie avant la colonisation française. « Toute la partie ouest de l’Algérie faisait partie du Maroc : Tlemcen, Oran et même jusqu’à Mascara », avait-il déclaré au média français d’extrême droite Frontières.
De quoi irriter les autorités algériennes, qui l’ont accablé de multiples chefs d’accusation : « atteinte à l’unité nationale », « outrage à corps constitué », « pratiques de nature à nuire à l’économie nationale » ou encore « détention de vidéos et de déclarations menaçant la sécurité et la stabilité du pays ». Le contexte diplomatique a immédiatement donné à l’affaire une tournure internationale.
En juillet 2024, Emmanuel Macron a en effet reconnu la marocanité du Sahara occidental, provoquant l’ire d’Alger. L’Algérie, en tant que soutien historique du Front Polisario – qui revendique l’indépendance des 266 000 kilomètres carrés de Sahara au sud du Maroc – a vu d’un très mauvais œil la réconciliation franco-marocaine, concrétisée en grande pompe à Rabat en septembre dernier.
Bruno Retailleau a été un acteur majeur de ces tensions, notamment dans sa lutte contre l’immigration, en cherchant à obtenir des autorités algériennes les fameux laissez-passer consulaires nécessaires aux expulsions d’étrangers. Il a enchaîné plusieurs mois plus tard en suspendant l’exemption de visas pour les détenteurs de passeports diplomatiques algériens, un accord vieux de 2007.
L’affaire Sansal n’est pas la seule à avoir nourri les tensions entre les deux pays. En avril 2025, la visite du ministre des affaires étrangères français à Alger devait apaiser le climat. Mais hasard du calendrier, la justice française a, peu après, mis en examen trois ressortissants algériens, dont un agent consulaire, dans l’affaire « Amir DZ », du nom d’un influenceur ayant été enlevé dans le Val-de-Marne un an plus tôt. Alger a réagi en expulsant 15 diplomates français de son territoire, ce à quoi Paris a répliqué en renvoyant du personnel algérien.
Une libération pour relancer le dialogue franco-algérien
Malgré le bras de fer engagé par Bruno Retailleau avec Alger, Brahim Oumansour, chercheur associé et directeur de l’observatoire du Maghreb à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), constate quelques signaux faibles de désescalade entre les deux pays. « La passe d’armes qui a duré pendant plusieurs mois semble s’atténuer. La presse algérienne a elle aussi un peu calmé son agressivité », estime le chercheur. (...)
Un autre journaliste, français, fait les frais de la dégradation des relations franco-algériennes : Christophe Gleizes, condamné dimanche à sept ans de prison ferme par la justice algérienne. Accusé d’« apologie du terrorisme », ce collaborateur de So Press était assigné à résidence depuis treize mois à Alger.
En Algérie, la dernière liste de détenu·es d’opinion, dressée par le défenseur des droits humains Zakaria Hannache en décembre 2024, comporte 217 noms.