
Alouette, caille des blés, fuligule milouin... Le gouvernement a cédé aux chasseurs en fixant des plafonds faramineux de prélèvements sur de nombreuses espèces, refusant tout moratoire.
Chaque année, à partir de la fin de l’été, le même ballet recommence dans le ciel. Des millions d’oiseaux s’engagent vers le sud pour une épopée de plusieurs milliers de kilomètres. Mais en permettant aux chasseurs de continuer à tuer nombre de migrateurs, le gouvernement a décidé de n’accorder aucun répit à ces espèces en déclin.
(...) « La rage de tuer »
Cette chasse, défendue au nom de la « tradition », est particulièrement cruelle : les alouettes sont attirées par les cris de congénères utilisés comme des « appelants ». Une fois au sol, elles se retrouvent prisonnières des filets. La décision du gouvernement est d’autant plus choquante que le passereau, qui dispose d’un répertoire fabuleux de plus de 600 notes, est en déclin.
« L’alouette des champs a perdu 25 % de ses effectifs en France en vingt ans, et 50 % au niveau européen depuis 1980, alerte Allain Bougrain-Dubourg, président de la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO). C’est vraiment la rage de tuer, d’autant que la chasse à tir est aussi autorisée pour cette espèce. » (...)
« La population était en train de se reconstituer, cela commençait à peine à aller un petit mieux, regrette Allain Bougrain-Dubourg. On ne laisse pas le temps à la tourterelle des bois de reprendre véritablement des forces, c’est beaucoup trop tôt. »
En 2019, la Commission européenne avait conseillé aux États membres de suspendre la chasse de cet oiseau, dont la population était en chute libre : -82 % entre 1980 et 2019, selon l’Office français de la biodiversité. Force est de constater que depuis cette suspension en France, en Espagne, au Portugal et en Italie en 2021, les effectifs allaient mieux. 2 millions de couples ont été recensés en Europe occidentale en 2024, soit 418 000 de plus qu’en 2021.
Le plafond pourrait être atteint en 24 heures (...)
Pour justifier sa décision, le ministère de la Transition écologique s’est appuyé sur une expérimentation menée durant l’automne et démontrant « une très forte sélectivité de la méthode ». Complètement faux, répond Allain Bougrain-Dubourg : « Cette expérimentation concerne un territoire très restreint et a été menée pour l’essentiel par des chasseurs, elle n’a rien de scientifique. » La LPO et l’association One Voice ont annoncé déposer un recours devant le Conseil d’État pour faire annuler la mesure.
La tourterelle aussi dans le viseur (...)
Puisque la reprise de la chasse est autorisée par la Commission européenne, « celle-ci a autorité sur le droit français, cela ne sert à rien de contester cette mesure devant le Conseil d’État, précise le président de la LPO. En revanche, nous allons travailler avec la Commission européenne pour montrer que les populations françaises de tourterelles restent très fragiles ».
Pression des chasseurs
Si, pour la tourterelle des bois, les chasseurs ne semblent pas avoir eu besoin de faire pression sur le gouvernement pour obtenir la reprise de leur activité, ce n’est pas le cas pour la caille des blés, le fuligule milouin, le canard siffleur, la grive mauvis, la sarcelle d’hiver, le canard pilet et le canard souchet. (...)
Une pétition exigeant l’abandon du moratoire a été lancée. Très vite, leur revendication a été reprise par des parlementaires d’extrême droite ainsi que des membres socialistes et macronistes du groupe chasse et pêche de l’Assemblée nationale.
Des limitations qui n’en sont pas réellement
Sous pression, Agnès Pannier-Runacher a proposé le 16 juillet un nouveau projet d’arrêté où le moratoire sur le fuligule milouin disparaît pour être remplacé par un plafond de prélèvement de 5 000 individus. Même chose pour la limite de période des six autres espèces : à la place, le nouveau projet d’arrêté prévoit un prélèvement de 15 cailles des blés par jour et par chasseur, et de 15 canards par jour et par chasseur. (...)
Finalement, le gouvernement n’a repris aucune recommandation de la Commission européenne, à l’exception de celle sur la tourterelle des bois, qui est favorable aux chasseurs.
Contacté, le ministère de la Transition écologique n’a pas répondu aux questions de Reporterre.