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La Cimade/Communiqué commun
Ce 1er juillet, les député.e.s seront amené.e.s à se prononcer en séance publique sur la proposition de loi visant à allonger la durée maximum possible d’enfermement de nombreuses personnes étrangères en centres de rétention administrative.
#retentionadministrative #CRA #migrants #immigration #AssembleeNationale
Article mis en ligne le 1er juillet 2025

Dans un contexte où le débat public tend de plus en plus à assimiler les personnes étrangères à une menace pour notre société, les centres de rétention, qui sont légalement des lieux d’enfermement administratif pour des personnes dont l’expulsion doit être une « perspective raisonnable », sont une nouvelle fois au cœur d’une proposition de loi inefficace, coûteuse et attentatoire aux droits fondamentaux des personnes concernées.

Le texte à l’ordre du jour ce 1er juillet vise à étendre les possibilités d’enfermement des personnes étrangères jusqu’à 210 jours, une mesure jusqu’alors exceptionnellement possible pour des personnes condamnées pour des faits en lien avec une activité terroriste. Désormais, dans la version étudiée, la durée maximum d’enfermement pourrait passer de 90 à 210 jours pour un grand nombre de personnes étrangères retenues en CRA, qu’elles aient ou non été condamnées.

Cette mesure est justifiée par un soi-disant « bon sens » : qui pourrait s’opposer à ce que tout soit mis en œuvre pour garantir le retour forcé de personnes dangereuses ?

Au-delà des postures et slogans simplistes, il nous semble nécessaire d’aborder ces enjeux dans toute leur complexité et en s’appuyant sur des données objectives.

Ainsi, l’augmentation continue de la durée de rétention n’a jamais entraîné une véritable augmentation des expulsions. Tandis que la durée moyenne passait de 12,8 jours en 2017 à 32,8 jours en 2024, le nombre de personnes expulsées depuis l’hexagone passait lui sur la même période de 10 114 en 2017 à 5 718 en 2024. Décisions d’enfermement et d’expulsion prises à la hâte par des administrations poussées à agir sans discernement, difficultés d’obtention des laissez-passer consulaires : ce sont surtout ces situations qui expliquent les freins aux expulsions, et non les questions de durée. La majorité des expulsions se réalise
d’ailleurs dans les premiers jours d’enfermement.

En outre, le texte actuel permettrait d’étendre la mesure à nombre de situations de personnes enfermées dans les CRA, à travers notamment la notion de « menace d’une particulière gravité pour l’ordre public », dont la définition juridique reste floue, laissant la porte ouverte aux interprétations arbitraires. Ainsi demain, des personnes pourraient être privées de liberté, séparées de leur famille, éloignées de leur emploi, pendant près de 7 mois parce qu’elles auraient été au mauvais endroit au mauvais moment.

Par ailleurs, dans une société démocratique, les droits fondamentaux devraient être au cœur de la réflexion et du débat public, y compris lorsque des personnes auraient commis des actes devant le cas échéant relever de sanctions pénales. Les diligences quant aux conditions de privation de liberté, le respect de la dignité de chaque personne, sont des garanties indispensables qui devraient faire la fierté de nos sociétés.

Soulignons également que le maintien en rétention pendant 210 jours soit 7 mois, dans des conditions souvent bien précaires, dans le désœuvrement quotidien et parfois la violence, va accroître inutilement les souffrances et traumatismes des personnes enfermées ; et, par les tensions que ces situations ne manqueront pas de générer au sein des CRA, va aussi drastiquement aggraver les conditions de travail de l’ensemble des personnes qui interviennent auprès des personnes enfermées (forces de police, services de santé, personnels de l’OFII, avocats, associations, etc.).

Enfin cette mesure, dont on a pointé plus haut l’inefficacité, aura un coût important pour les finances publiques, dans une période où l’exigence d’une maîtrise des comptes publics
semble pourtant être une préoccupation majeure pour les pouvoirs publics.

En 2024, des personnes sont décédées en CRA, pour certaines dans des circonstances imprécises. Nombre de personnes malades et vulnérables ont été enfermées. Avec la proposition de loi portée par les parlementaires, inspirée et soutenue par le ministre de l’Intérieur, demain chaque année, dans notre pays, au nom d’une fermeté qui stigmatise plus qu’elle ne rassure, des milliers de personnes étrangères pourront être privées de libertés pendant près de 7 mois. Au regard de ces éléments, il est plus que temps de se mobiliser pour s’opposer à cette proposition de loi, et en remettant au cœur de nos exigences collectives le respect des droits fondamentaux de chacun.e, dans un débat apaisé.