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Mediapart
Ce que les frappes sur l’Iran révèlent du trumpisme
#Israel #Iran #USA #Trump
Article mis en ligne le 26 juin 2025
dernière modification le 25 juin 2025

Au sein de la base Maga, les soutiens de Trump ne communient pas tous dans le refus des guerres. En réalité, le slogan « America First » ne traduit pas une volonté d’isolement à tout prix, mais une compréhension très restrictive des intérêts états-uniens.

Donald Trump a donc fait ce qu’il avait promis de ne pas faire : impliquer les États-Unis dans une nouvelle guerre au Moyen-Orient. Car quels que soient les éléments de langage brandis par son vice-président J. D. Vance, qui parle de « frappe ponctuelle » et d’une guerre « contre le programme nucléaire, pas contre l’Iran », frapper un pays sur son sol sans attaque ni menace imminente est bien un acte de guerre.

Après quelques heures d’autodiscipline, Trump n’a d’ailleurs pas pu s’empêcher d’évoquer un changement de régime en Iran sur son réseau Truth Social. C’est bien un reniement de ce qui expliquait en grande partie son ascension politique : la critique féroce des guerres de George W. Bush et le rejet des néoconservateurs et de leur idéologie du changement de régime.

Au cœur du « trumpisme originel » de 2016, on trouvait en effet la promesse de ne plus impliquer les États-Unis dans une guerre en l’absence de menace imminente. Le pays était alors en conflit depuis quinze ans. (...)

Dans sa dernière campagne, en 2024, il se présentait toujours comme « le candidat de la paix », le seul à même d’éviter « la troisième guerre mondiale ». Dans son discours inaugural en janvier 2025, il répétait qu’il voulait que son héritage soit celui d’un « faiseur de paix ». Mais ce qui guide Trump avant tout reste très basique, comme souvent avec lui : être du côté des « vainqueurs », pas des « losers ».

Les contradictions de la base Maga

Son revirement montre bien qu’il ne dispose pas d’une doctrine solide, même si d’autres ont élaboré une théorisation idéologique du trumpisme. (...)

Il y a bien une fissure au cœur de la base Maga (« Make American Great Again »). Le camp « isolationniste » – qui s’exprime notamment par la voix de figures médiatiques comme Steve Bannon, Charlie Kirk et Jack Posobiec, et d’élu·es comme Thomas Massie et Marjorie Taylor Greene – soutient Israël mais considérerait comme un reniement une intervention militaire américaine directe. On le voit également chez les plus jeunes de ses électeurs, notamment les jeunes hommes de la « Gen Z » (18-29 ans) qui ont voté majoritairement pour lui lors de la dernière élection.

Mais au cœur de la base trumpiste, il y a aussi les évangéliques. Beaucoup sont des sionistes chrétiens viscéralement attachés à la défense d’Israël, et tout aussi hostiles au programme nucléaire d’un pays qui a maintes fois affiché la destruction de l’État d’Israël comme son objectif international. Ils sont appuyés eux aussi par des figures médiatiques comme Mark Levin, par des élus interventionnistes comme Lindsey Graham, Tom Cotton et Ted Cruz, ainsi que par des membres de l’administration comme Marco Rubio, chargé de la diplomatie. (...)

Pour l’heure, l’Iran a frappé en rétorsion la base américaine d’Al-Udeid au Qatar, lundi en fin de journée, en prévenant les autorités états-uniennes afin de limiter les dégâts. Dans la nuit, Donald Trump proclamait un « cessez-le-feu » entre Israël et l’Iran, dont l’avènement reste à vérifier dans la mesure où des attaques mutuelles ont eu lieu après l’annonce.
Quatre-vingts ans de politique étrangère rejetés

Les bombardements américains clarifient, tout du moins, ce que signifie le slogan « America First », à savoir le rejet de la politique étrangère des États-Unis de soutien à l’ordre international qu’ils avaient élaboré et porté depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Le débat interne qui divisait le Parti républicain sur la politique étrangère depuis la fin des années Bush n’opposait pas tant « interventionnistes » et « isolationnistes », des étiquettes toujours réductrices. Il portait plus précisément sur le rôle des États-Unis vis-à-vis de cet ordre international : devaient-ils s’en préoccuper et en faire le cœur de leur politique étrangère ? Ou au contraire redéfinir leurs intérêts nationaux de manière plus restreinte ?

« America First » correspond à la seconde option. Dans l’exégèse du trumpisme, les « frappes chirurgicales », pour citer Charlie Kirk, ne constituent en rien une contradiction. Elles répondent au souci d’éliminer la menace d’un Iran nucléaire et adversaire depuis 1979, pas de défendre l’ordre international, le multilatéralisme ou la démocratie. (...)

Trump lui-même a beau se déclarer « faiseur de paix », il reste fasciné par la force militaire, comme en témoignait encore la parade organisée pour son anniversaire le 14 juin. Elle constituait une rupture avec la tradition historique américaine, dans laquelle les parades existent mais pour célébrer uniquement des victoires militaires.

Il faut également rappeler que Trump n’avait pas hésité à ordonner l’assassinat du général iranien Qassam Soleimani, chef des Gardiens de la révolution, en janvier 2020 à Bagdad ; qu’il avait lancé des frappes contre les forces de l’État islamique et de Wagner en Syrie en 2019 ; et bombardé lourdement l’Afghanistan début 2017. À la fin de son premier mandat, il y avait toujours autant de soldats américains déployés à l’étranger qu’en 2016, après deux mandats d’Obama.

Le trumpisme est un nationalisme et Trump reste un militariste, fasciné par la force brute, synonyme pour lui de puissance. L’apparent soutien des électrices et électeurs républicains, juste après les frappes du week-end, ne doit cependant pas cacher le risque d’érosion en fonction de l’évolution de la situation. (...)

Au-delà du destin électoral du camp Maga, les conséquences internes les plus préoccupantes concernent la démocratie américaine. (...)

Mardi matin, les autorités iraniennes ont confirmé leur volonté d’un cessez-le-feu, mais la situation reste volatile. Surtout, même si Trump échappe à un enlisement cette fois-ci, il a montré sa propension à jouer avec le feu, et à négliger qu’il est toujours plus facile de commencer une guerre que de la terminer.