
La comédienne peut-elle jouer Gisèle Halimi dans un film, après avoir demandé que la reconnaissance de l’État de Palestine soit conditionnée à un certain nombre de critères ? L’un des fils de l’avocate s’en insurge, appuyant une pétition lancée le week-end dernier.
Charlotte Gainsbourg incarnant indûment Gisèle Halimi à l’écran ? La polémique se poursuit, et rebondit, avec l’entrée dans l’arène médiatique de l’un des fils de l’avocate décédée en 2020, Serge Halimi – journaliste, longtemps à la tête du Monde diplomatique. Dans un texte confié à nos collègues de Blast, il s’insurge à son tour contre le choix de la comédienne pour jouer le rôle de sa mère, six jours après le lancement d’une pétition qui déjà le dénonçait. En cause : non pas le talent de l’actrice, mais le fait qu’elle ait signé une lettre ouverte, juste avant la reconnaissance de l’État de Palestine par la France, demandant au chef de l’État de conditionner celle-ci à la libération des otages encore retenus à Gaza, et au démantèlement du Hamas (1).
« Tribune infecte », commente la pétition, et « qui suspend le droit d’un peuple à exister pendant qu’il est massacré ». Tribune, aussi, qui entrerait en contradiction avec les engagements de Gisèle Halimi, infatigable défenseuse des droits humains. « Elle l’aurait lue avec dégoût », assure Serge Halimi. « Charlotte Gainsbourg vient ainsi, sans l’avoir voulu, de rappeler tout un pan trop peu connu de la vie militante de Gisèle Halimi », poursuit-il.
L’avocate, juive d’origine tunisienne, ne joua pas seulement un rôle majeur dans la dépénalisation de l’avortement. Elle prit la défense d’indépendantistes algériens dans les années 1960, dénonçant sans relâche la torture pratiquée par l’État français. Elle figurait aussi auprès du Tribunal Russell sur la Palestine en 2009, qui cherchait à mobiliser les opinions et les institutions mondiales pour « un règlement juste et durable de ce conflit ». En 2014, alors qu’une offensive israélienne avait lieu sur Gaza (à la suite notamment de tirs de roquettes du Hamas), elle avait encore publié un court texte dans L’Humanité, s’ouvrant ainsi : « Un peuple aux mains nues – le peuple palestinien – est en train de se faire massacrer. Une armée le tient en otage. Pourquoi ? Quelle cause défend ce peuple et que lui oppose-t-on ? J’affirme que cette cause est juste et sera reconnue comme telle dans l’histoire. » (...)
La pétition a été lancée par un homme, Jean-Marc Nauts, alias @LeRiposteur sur les réseaux sociaux, qui se définit comme « un citoyen engagé, porté par l’exigence de fidélité aux mémoires militantes. » « Je n’ai pas connu Gisèle Halimi personnellement, nous explique-t-il, mais ses luttes m’ont profondément marqué. Enfant de la Dass, grandi dans l’effacement, j’ai trouvé dans ses combats pour la justice, les droits des femmes et la cause palestinienne une voix et une boussole. Je ne peux tolérer que son image soit associée aux prises de position de Charlotte Gainsbourg, qui contredisent ses valeurs. » Son texte a recueilli 8652 signatures à l’heure où nous écrivons – mais suscite des débats grandissants, au-delà même du cas d’espèce, sur la liberté de choix des comédiens. (...)
L’autre fils de Gisèle Halimi, Jean-Yves, également avocat, ne s’est pas prononcé sur cette affaire. On notera toutefois que lui et son frère Serge (2) avaient défendu, début 2023, des positions radicalement inverses, non pas à propos d’un film, mais à propos de l’hommage national rendu à leur mère par Emmanuel Macron (Jean-Yves s’en félicitant, et Serge le dénonçant, cette fois à cause d’une réforme des retraites qu’elle aurait, disait-il, combattue). On notera encore que la panthéonisation de Gisèle Halimi, évoquée par le chef de l’État, ne se concrétise toujours pas… (...)
Quant à Charlotte Gainsbourg, elle ne s’est pas exprimée sur la polémique. (...)