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Comment les routes provoquent le déclin de la biodiversité
#biodiversite #routes
Article mis en ligne le 22 mars 2025
dernière modification le 21 mars 2025

(juin 2023) Extinction des espèces, risque de zoonoses, dégâts souterrains silencieux : scientifiques et citoyens alertent sur la fragmentation des habitats naturels causée par la construction des routes et le déclin de la biodiversité qu’elle entraîne. Partout en France, la lutte s’organise.

N’importe qui peut visualiser une plaine. On ferme les yeux, et voilà qu’elle s’étend à perte de vue ; on la devine grouillante de vie, traversée d’insectes, de réseaux racinaires et de petits mammifères pas tout à fait anonymes. Il faut bien ouvrir les yeux pourtant : ces paysages sont en voie d’extinction. « En Europe centrale, il ne reste pratiquement plus d’écosystèmes qui ne soient pas affectés par les effets directs ou indirects des routes », alerte Pierre Ibisch, biologiste allemand co-auteur d’un rapport sur l’impact des routes sur la biodiversité dans la revue Science.

Entre 2006 et 2015, la France a perdu plus d’un demi-million d’hectares de terres agricoles et d’espaces naturels, dont la moitié a été transformée en surfaces goudronnées. Maillée par le réseau routier le plus important d’Europe, la France est traversée par 1 079 072 kilomètres de routes contre 27 057 kilomètres de voies ferrées. Un aménagement du territoire sous emprise routière responsable de 31 % des émissions françaises en 2019, faisant du transport routier le premier secteur émetteur de CO₂, dont les émissions n’ont toujours pas entamé de baisse par rapport à leur niveau de 1990.

L’entêtement à tracer au béton des routes partout en France perdure malgré les mises en garde de la plupart des spécialistes, unanimes sur le danger de la fragmentation des écosystèmes. (...)

Ainsi de l’autoroute A69 entre Toulouse et Castres, qui suscite depuis longtemps des oppositions locales et a récemment fait l’objet d’une mobilisation nationale organisée avec l’appui des Soulèvements de la terre. Le projet menace d’artificialiser plus de 400 hectares de terres agricoles, prévoit d’abattre 13 hectares de zones boisées, et ce alors qu’un projet alternatif de modernisation de la route nationale 126 existe et qu’une ligne TER relie les villes. Plus d’un demi-milliard d’euros de travaux pour un gain de temps par trajet de 15 minutes.

Un écocide silencieux (...)

Outre la pollution sonore et visuelle qu’il suscite, le réseau routier, pilier de l’infrastructure logistique en voie de globalisation, provoque une inquiétante fragmentation des milieux naturels. Ses veines d’asphalte viennent quadriller les éco­systèmes de large étendue et les découpent en petits fragments façon confettis, jusqu’à devenir l’une des principales causes d’extinction des espèces et du déclin de la biodiversité animale et végétale (...)

le maillage routier et autoroutier empêche certaines migrations animales, voire conduit à leur disparition totale sur un territoire. Les amphibiens migrateurs, comme les grenouilles et les crapauds, sont particulièrement affectés par l’arrivée d’une route sur leur parcours de migration. (...)

l’appau­vrissement génétique des espèces causé par l’apparition des routes sur un territoire est tout aussi préoccupant. (...)

 Les populations de cerfs sont par endroits génétiquement différentes de part et d’autre de l’axe routier, après leur séparation par une route. En cas de maladie ou d’incendie, les espèces peuvent alors plus facilement s’effondrer », poursuit Fabien Paquier.

Par ailleurs, le découpage du territoire par les routes est soupçonné de favoriser l’émergence de zoonoses, maladies infectieuses qui passent de l’animal à l’homme, à l’instar du Covid-19 qui a mis le monde à l’arrêt en 2020 (...)

Le développement du transport routier cause aussi des dégâts souterrains, dont les effets se manifestent à l’abri des regards. « Sous terre, les organismes forestiers tels que les arbres et les champignons sont reliés entre eux par des racines et ce que l’on appelle les mycorhizes. Les routes affectent cette connectivité souterraine, pourtant essentielle à leur survie » (...)

« La pollution, le bruit, le réchauffement sont parfois perceptibles à un kilomètre de la route », ajoute Pierre Ibisch. Les routes entraînent alors une cascade de perturbations du milieu qui finissent par réduire la fonctionnalité des écosystèmes.
La route, bras armé de l’artificialisation

Malgré la pile d’arguments avancés, les défenseurs des projets, notamment un lobby routier puissant et certains élus locaux qui ont fait de ces nouvelles routes le combat d’une vie, n’en démordent pas. En réponse, la lutte s’organise partout sur le territoire. (...)

En luttant contre ces nouvelles routes, les manifestants réaffirment leur résistance à la logique plus globale d’artificialisation, phénomène qui a augmenté de 72 % en France métropolitaine entre 1982 et 2018 (la population, elle, n’a crû que de 19 %). « La route est le bras armé du modèle de l’artificialisation des sols : elle raccourcit les distances, ouvre sur des zones d’activités commerciales, rend les citoyens prisonniers de la voiture, et donc, des énergies fossiles », assure Valentin Desfontaines, membre du Réseau Action Climat. « Alors lutter contre ces 55 projets routiers, c’est lutter indirectement contre des entrepôts Amazon pour lesquels on n’aura pas à se battre plus tard »,